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Présidence à vie : rien ne différencie Alpha Condé à ses prédécesseurs Lansana Conté et Sékou Touré

La démocratie en Guinée : entre le marteau de la fourberie et l’enclume de la naïveté, que faire ? Si jusque-là, la démocratie, prise dans sa dimension maximaliste garde encore sa définition substantielle par endroits, c’est-à-dire un système de gouvernance qui garantit non seulement les droits sociopolitiques et économiques des citoyens, mais aussi qui favorise la culture démocratique fondée sur la stabilité des institutions et la promotion de l’alternance démocratique (Przeworski, 1999 : 23-55 et Schumpeter, 1976 : 9).

Il n’en demeure pas moins vrai que dans certains pays comme la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Cameroun etc., elle a encore du chemin à parcourir.

En effet, la tendance qui consistait à intégrer les clauses d’intangibilité constitutionnelle dans la Constitution  du 7 mai 2010 en son article 154 visait non seulement à limiter la durée du mandat présidentiel à cinq ans renouvelable une seule fois, mais aussi et surtout la consolidation des acquis démocratiques des luttes du janvier-février 2007, du 28 septembre 2009, sans compter par ailleurs, les nombreuses autres victimes de la répression d’État.

À la lumière des événements des trois dernières décennies de la vie politique de notre pays, nombreux sont parmi les guinéens qui s’interrogent sur l’avenir de notre système démocratique, notamment son volet lié à l’alternance politique au sommet de l’Etat, après l’échéance du mandat prévu par la Constitution (articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010).

À titre illustratif, si hier sous la première et la deuxième République, l’objectif des deux chefs d’État était leur rééligibilité indéfinie en dépit des moyens utilisés pour leur pérennisation au pouvoir, aujourd’hui rien ne différencie M. Alpha Condé à ses deux prédécesseurs. Car visiblement, son objectif de doter la Guinée d’une nouvelle Constitution ne visait que sa rééligibilité pour cet autre « mandat de trop ! ».

C’est pourquoi, dans un communiqué rendu public le lundi 31 août 2020, le RPG Arc-en-ciel et ses partis alliés ont réaffirmé que M. Alpha Condé aurait accepté d’être candidat à sa propre succussion à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 pour un autre mandat de six ans. Certes, c’est le contraire qui nous aurait étonnés même si jusque-là, le principal concerné continue de se réconforter davantage dans sa stratégie de dissimulation, de diversion, de la roublardise et du flou.

Mais les questions qu’on se pose à la suite de ces mélimélos politiques sont les suivantes : pourquoi c’est M. Alpha Condé qui est sur le point de trahir la mémoire de toutes celles et ceux qui se sont battus pour l’instauration de la démocratie et de l’État de droit dans notre pays ? Pourquoi cet homme, en dépit de ses dix ans de gouvernance et de ses 40 ans de combat politique, s’est-il laissé emporter par la nouvelle pathologie de coup d’État constitutionnel en s’offrant la possibilité de briguer un troisième mandat déguisé savamment en premier mandat sous une nouvelle République ? Pourquoi s’est-il laissé induire en erreur par les mêmes « profiteurs de système » qui ont poussé le feu Général Lansana Conté à commettre la plus grosse erreur de sa vie, étant donné que « le premier n’est pas Gaou n’est pas Gaou, mais plutôt le deuxième qui est Gnata » ? M. Alpha Condé va-t-il renoncer à sa vocation d’être le Mandela de la Guinée pour être le Paul Biya du Cameroun ou le Blaise Compaoré du Burkina Faso ? De quel côté de l’histoire veut-il réellement appartenir : le bon ou le mauvais ?

En plus de ces sérieuses entraves du régime qui compromettent sans nul doute l’avenir  de notre système démocratique, subsiste aussi la naïveté des acteurs politiques de l’opposition et de la population. En effet, les premiers se font remarquer par leur amateurisme politique et leur démarche incongrue et ambigüe ; ils nous renvoient l’image d’un troupeau guidé par leur seul instinct. Or, en politique c’est la tête qui guide chaque action, et non le cœur.

En vérité, ce qui reste et demeure au centre de leurs préoccupations, c’est sont leurs intérêts politiques en jeu, surtout leurs intérêts égoïstes et électoraux. Par ailleurs, rare sont parmi eux qui se battent pour l’intérêt national ; ils sont tous préoccupés par les petits calculs politico-politiciens oubliant que les problèmes de la Guinée ne sont ni électoraux ni institutionnels, c’est plutôt des problèmes systémiques et, d’hommes intègres capables de les faire fonctionner.

Et, quant à la population, elle est de nos jours devenue l’ombre d’elle-même. À bien des égards, tous les garde-fous sont outrepassés par les « profiteurs de système »  de notre pays. Rien ne semble plus les arrêter,  et ce, à cause de notre insouciance et notre inaction. Pire, nous avons les leaders politiques qui se permettent de se transformer en défenseurs légitimes de chaque communauté sous nos regards indifférents. De ce fait, les problèmes étant ressentis différemment et posés solitairement, c’est donc difficile de faire un front commun pour exiger le respect de nos lois. Du coup, les problèmes nationaux sont scissionnés en spécificités ethniques ou régionalistes. Pourquoi c’est toujours l’axe qui manifeste pour le respect de la Constitution mais pas l’autoroute ?

Enfin, tant que nous ne sortons pas de nos considérations subjectives, nous serons toujours à la case de départ ; tant que nous ne serons pas exigeants en demandant des comptes à nos élus, nous serons toujours leurs victimes,  et donc victimes de nos propres turpitudes. Tant qu’il aura des hommes et des femmes politiques qui sont soucieux de leurs propres intérêts personnels avant celui de la Nation, il en sera ainsi dans notre pays : un pas avant, et deux pas en arrière !

 

Aly Souleymane CAMARA

Etudiant en Master Sciences Politiques de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry

E-mail : alysouleymanecamara66@gmail.com

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