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Alpha Condé fait tirer sur son peuple en révolution depuis octobre 2019. Macron et la Communauté internationale détournent le regard  

L’ami Mélenchon. Les Guinéens, ce peuple mal aimé des élites et des dieux, a peut-être trouvé enfin son bon samaritain.  La controverse du 3ème mandat et la violente répression qui s’en est suivie a suscité chez Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France Insoumise, une réaction où l’élan du cœur le dispute à la  puissance des arguments.

De sorte que si cet admirable monsieur qui porte haut la belle devise de son pays –héla, si souvent dévoyée, aujourd’hui !- pouvait se porter candidat, il serait élu président de la République de Guinée dès le premier tour.

Plutôt habitués à l’indifférence générale devant l’extrême férocité de leurs dirigeants, les compatriotes de Camara Laye n’ont jamais reçu des mots aussi réconfortants. Pour le député des Bouches du Rhône, la Guinée est en ébullition populaire, elle a rejoint « la liste des pays du monde où le peuple est en révolution citoyenne. »

Après avoir fustigé  l’entêtement avec lequel Alpha Condé a falsifié la Constitution pour s’offrir un 3ème mandat, il exprime son admiration pour ce peuple courageux qui s’oppose à ce « qu’on lui retire sa souveraineté », il adjure la diplomatie de son pays « de ne pas agir dans le sens d’un maintien en place de ce régime illégitime ».

Il explique son appréhension par le fait qu’Emmanuel Macron avait envoyé un de ses ministres à l’investiture du « nouveau » président guinéen alors « qu’il n’y avait personne à celle de Roch Marc Christian Kaboré au Burkina Faso, pourtant élu démocratiquement à la tête de son pays…

Macron a condamné du bout des lèvres la violence d’Alpha Condé. Mais en même temps, il lui a envoyé une lettre de félicitations…

Alpha Condé fait tirer sur son peuple en révolution depuis octobre 2019. Une pensée émue pour les adolescents tombés sous les balles. Macron et la Communauté internationale détournent le regard. La Guinée n’intéresse que lorsqu’il s’agit de piller ses mines. »

Depuis, quelques belles âmes (élus français ou plus largement européens, organisations des Droits de l’Homme etc.) sont venues ajouter leur voix à cette courageuse prise de position. Il n’en demeure pas moins que la solitude du peuple de Guinée n’a rien de supposé, rien de fantasmatique. En votant seuls « Non » le 28 septembre 1958, les Guinéens ne pouvaient se douter qu’ils venaient d’appuyer sur le mauvais bouton, celui de la guigne et de l’abandon.

Rares furent ceux qui compatirent à leur sort quand leur héros, Sékou Touré se métamorphosa en tyran. Les intellectuels africains se montrèrent particulièrement décevants : des tombereaux de fleurs pour le despote et pas un mot pour leurs collègues (Camara Laye, Diallo Telli, Koumandian Keïta etc.) qui crevaient dans l’enfer de l’exil ou sous la gégenne du Camp Boiro.

S’il est vrai que Koumandian Keïta fut le tout premier prisonnier politique adopté par Amnesty International en 1964, il fallut néanmoins attendre que cinq anciens ambassadeurs américains accrédités en Guinée aillent d’eux-mêmes témoigner devant la Commission des Droits de l’Homme des Nations-Unies pour que se pose enfin la question des Droits de l’Homme en Guinée. En France, il fallut que la brave section PS de Pau dénonce les atrocités commises au  Camp Boiro pour que la mauvaise conscience gagne les rangs des Socialistes et que Mitterrand s’éloigne enfin de son redoutable ami de Conakry.

Dans cette ville, on ne parle plus que de vous, Monsieur Mélenchon : dans les salles de rédaction mais aussi dans les amphis et dans les maquis.  Merci, c’est bon, c’est beau, c’est apaisant de sentir qu’on n’est pas seul au monde.

 

Par Tierno Monénembo, in Le Lynx

 

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