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Tribune.  « Assimi Goïta, un mal nécessaire pour le Mali »

Chronique. Et si au lieu de crier au coup d’État, on y regardait de plus près. Le coup de force des militaires a au moins enlevé une grosse épine à un Mali dans l’impasse. Par Tierno Monénembo

Prendre les récents événements survenus au Mali pour un coup d’État pur et simple tient de la mauvaise foi. Des causes objectives – et non l’ambition ou la fantaisie – ont propulsé les colonels de Kati hors de leur caserne. L’insécurité généralisée, les conflits ethniques, un djihadisme devenu irrépressible, la misère, la corruption, bref un Mali tombé en quenouille, sont autant de circonstances atténuantes en leur faveur.

C’est un secret de Polichinelle : le président IBK ne maîtrisait plus aucun dossier, le Mali avait fini par lui échapper. Qu’auriez-vous fait, je vous le demande, à la place d’Assimi Goïta : regarder votre pays partir à la dérive sous les yeux impuissants de celui qui est censé en tenir le gouvernail, ou agir au plus vite en faisant fi des aléas et des scrupules ? Agir, bien sûr ! Qui voulait-on donc sauver : le bateau ou le mauvais capitaine qui l’a conduit au naufrage ? Devant ce choix qui, il est vrai, n’a rien de cornélien, la Cedeao n’a pas hésité longtemps : le siège du compère d’abord, le bon sens politique après.

Moindre mal

Pourtant, n’en déplaise aux grands commis d’Abuja, face à son prédécesseur, Assimi Goïta fait office de pis-aller ; oui, oui, de moindre mal, mieux encore, de mal nécessaire, une ablation, en quelque sorte. S’il est trop tôt pour lui accorder les vertus d’un Rawlings ou un d’un Sankara, il serait injuste de l’identifier à un Samuel Doe ou à un Sanogo. Pour l’instant, l’honnêteté nous oblige à ne le comparer qu’à Moussa Traoré, le Moussa Traoré des premières heures, celui qui avait mis fin aux dérives du régime Modibo Keïta et promis la démocratie, après un intermède militaire de six mois tout au plus.

Pourquoi, alors, ces cris d’orfraie ? Ce jeune officier qui donne l’air de savoir ce qu’il fait n’a encore rien commis d’irréparable. D’ailleurs, le voudrait-il, que le peuple (politiquement mûr, parfaitement organisé, et toujours dans la rue) l’en empêcherait aussitôt. Apparemment lucide, il est conscient des garde-fous qui l’entourent. Il n’y a donc pas péril en la demeure. Les réactions de la communauté internationale sont excessives, ses sanctions inutilement coûteuses pour un pays enclavé, déjà soumis aux fléaux du fanatisme et de la déréglementation climatique. Il est temps pour cette vieille dame de sortir des beaux principes, d’ouvrir les yeux, de prendre en compte les faits, de voir comment fonctionnent les choses dans ce pays de tous les dangers.

Le fleuve ne reviendra pas à la source

De toute façon, ce qui est fait est fait, le fleuve ne reviendra pas à la source. Renvoyer les militaires dans les casernes, plus personne n’y penserait. Le bon sens commande de lever immédiatement les sanctions et de pousser tout le monde, militaires et civils, vers une transition intelligente. Je veux dire brève et consensuelle. On pourrait s’inspirer de l’expérience soudanaise qui a l’air de fonctionner sans grand mal.

En admettant que la crise malienne trouve une issue heureuse, la question de fond demeure : a-t-on le droit de condamner les coups d’État militaires et de tolérer ceux de l’ordre constitutionnel ? Si demain, ironie du sort, un colonel, voire un sergent, renversait le président Alpha Condé ou le président Ouattara (qui, pour des raisons que l’on sait, ont été les plus fougueux défenseurs de leur collègue malien), quel putschiste aurait la faveur du beau monde : celui qui tient la plume ou celui qui tient le tank ?

Par Tierno Monénembo

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