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Relance de l’usine de Fria: 825 millions de dollars pour la réparation de l’industrie.

Interview: ‘’Nous nous attelons à finir les travaux pour pouvoir relancer l’usine, rassure David Camara, DGA de Rusal-Friguia.

Après plus de 5 ans d’arrêt de l’usine Friguia, notre rédaction  est allé à la rencontre du premier directeur général adjoint de cette unité industrielle. Avec David CAMARA, il a été question d’aborder les perspectives de relance de l’usine après une traversée du désert. 

Rusal s’active pour la relance des activités de l’usine Friguia. Parlez-nous de l’état des lieux des travaux en cours !

Nous avons un objectif en ce moment, c’est de relancer cette usine dans un délai qui est presque à terme maintenant. Parce qu’on vise le mois d’avril 2018. Nous sommes au mois de janvier, ça veut dire qu’il ne nous reste théoriquement que deux mois de travaux réels. Nous nous attelons à finir les travaux à la date prévue. On est obligé de toucher tous les domaines : les équipements, la voie ferrée. Parce que, qui dit usine, dit port. Il faut acheminer les matières premières, mais aussi tout ce qui est équipements de maintenance. Nous nous attelons à cette tâche pour finaliser les travaux avant le délai imparti.

Concrètement, aujourd’hui, qu’est-ce qui est fait ?

Beaucoup de choses. Si je me mets à énumérer tout ce qui est fait, il me faut prendre le volume de travail dans son ensemble. Je vous dirai qu’on est à 80% du taux d’exécution des travaux, voire plus. Il restera certains gros travaux notamment le génie civil, parce qu’on a beaucoup de fondations qui ont été touchées : les charpentes métalliques, les toitures. On est un peu partout en ce moment. Côté maintenance, nous sommes très avancés parce que nous allons bientôt remettre les équipements en route pour voir leur comportement et leur réaction. Puisqu’il fait plus de 5 ans que ces équipements sont à l’arrêt. Dans l’ensemble, nous sommes dans une très bonne approche pour tenir le délai.

 Etes-vous sûr de la disponibilité de tous les équipements sur place pour le redémarrage de l’usine Friguia à la date prévue ?

Oui et non. Parce que quand vous parlez de redémarrer l’usine, il y a aussi les matières premières qui doivent suivre. On a beau finir la maintenance et maintenir les équipements en bon état, mais si on n’a pas la matière première, on aura des défis. Mais tout est en voie et tout est prévu pour qu’on soi dans le délai quand même.

Il faudrait savoir que les matières premières viennent de Conakry, et c’est notre élément clé aussi. Si non, il y a des petits retards par-ci par-là. Vous connaissez le problème d’approvisionnement qui se pose à tout moment. Il y a des imprévus, mais nous nous attelons.

Est-ce qu’une nouvelle étude d’impact social et environnemental est prévue avant la relance de l’Usine ?

Oui. On ne peut pas redémarrer l’usine comme ça. Vous savez tout ce qui s’est passé avant. Nous sommes suivis. Du point de vu environnement, nous avons toute une direction qui s’occupe de ça. Elle travaille directement avec notre ministère de tutelle à partir de Conakry. Il y a aussi des services compétents qui viennent également de temps à autres suivre ce que nous faisons. Les deux vont ensemble. Nous redémarrons l’usine, mais il y a des impacts environnementaux qui sont là, donc on est obligé de gérer tout ensemble.

En termes de production, quel est le volume que vous prévoyez pour cette première année ?

Nous visons la quantité de production juste celle qu’on avait avant l’arrêt de l’usine. Soit à peu près 650 000 tonnes. Nous essayons de voir dans quelle fourchette on peut se situer, et après, il y a une extension qui est prévue pour cette usine. Notre objectif c’est d’atteindre 1 050 000 tonnes plus tard. Et les investissements vont se poursuivre.

 Côté personnel, qu’est-ce qui est prévu aujourd’hui pour l’ensemble des travailleurs ?

Nous y attelons. Cinq ans, il y a eu beaucoup de mouvements. D’abord on a eu beaucoup de cas de décès, des départs massifs, parce que beaucoup ne pensaient plus que l’usine allait être relancée. Donc certains, à force d’être à l’abandon ont dû partir. Raisons de force majeure, on ne pouvait rien faire. Il y a eu beaucoup de travailleurs et de personnels très qualifiés qui ont eu de l’emploi ailleurs et qui sont en train de travailler dans d’autres unités industrielles en ce moment. Nous pensons, peut-être qu’ils reviendront. De toutes les façons, nous ferons appel à ceux qui sont nécessaire pour le redémarrage de l’usine.

Par contre, s’ils ne viennent pas, nous sommes obligés de trouver de solutions de rechange en formant même le personnel qui est sur place. Peut-être on procédera à des embauches pour des métiers qui nécessitent une présence compétente. Il y a eu des cas de décès. Pour tous ces cas, nous serons obligés de les remplacer.

Mais à priori, tous les contrats restent en vigueur. Nous attendons quand même qu’il y’ait la réouverture puisque l’administration doit être installée. Mais tous les dossiers vont être étudiés cas par cas.

Après cinq ans de crise, quelle leçon avez-vous tirée de cette expérience ?

La première leçon, comme on aime à le dire, plus jamais ça ! Je ne dirai pas que c’est un miracle de réveiller cette usine. Mais on sait ce qu’on a déboursé comme travail et surtout comme moyens. Parce qu’un matériel mécanique abandonné pendant 5 ans, et surtout les conditions dans lesquelles on les a arrêtés ; vous avez suivi les mouvements de grève qui ont causé l’arrêt de cette usine. Nous nous sommes attelés à réparer tout ça, mais moyennant des finances aussi. C’est là où les partenaires ont beaucoup soumissionné. Il faut reconnaître que ce sont eux le maître d’œuvre, le financier. Comme on a la volonté de repartir, c’est ce qui donne le courage d’y aller. Côté personnel, nous nous voyons pour mesurer ce qui doit être fait comme moyens financiers.

Vue les conséquences de ce qui s’est passé, on a tous vécu cette période mortelle, chacun s’attèle à sa tâche pour que l’on aboutisse au redémarrage de cette unité industrielle.

La leçon que l’on tire, ce qu’il faut éviter ça. Parce que pour faire revivre une usine comme celle-ci, qui tournait 24h/24h, c’est de la mer à boire.

Quelle garantie ont donné les autorités guinéennes pour faire revivre cette usine ?

Les autorités sont en phase avec nous. Vous avez vu même l’autorité suprême est dans le coup. Puisque tout le monde tient à ce que cette usine marche. Nous sommes appuyés de tous les côtés. Des missions viennent voir si les choses avancent dans les conditions normales. Nous faisons nos comptes rendus ponctuels. Nous avons nos auditeurs de Rusal aussi qui viennent régulièrement pour voir si tout est dans les bonnes configurations au point de vue sécurité, avancement de travail, de financement. On est en train de tout suivre.

En tant que père de famille et haut responsable de l’usine Friguia, comment avez-vous vécu ces moments de crise ?

Le courage et la persévérance. J’aime dire souvent : « Ad-aspéra, ad-asra » qui veut dire « à travers les épreuves jusqu’aux étoiles. » Vous imaginez dans quelles épreuves nos partenaires sont partis d’ici. Il y a eu des échauffourées et beaucoup de mouvement dans cette ville. Nous avons été obligés de rester par patriotisme aussi parce que si tout le monde avait abandonné cette usine, on ne serait pas là aujourd’hui. Peut-être on aurait eu l’occasion de la reprendre, mais il aurait fallu tout casser et tout reprendre. C’est pour cela, nous, nonobstant les menaces, les intimidations, malgré les quelques chocs que nous avons eus, on a tenu à rester pour sauvegarder ce patrimoine. C’est ce qui nous arrange aujourd’hui. Malgré tous les investissements pour remettre les choses dans l’ordre, on a pu sauver beaucoup de choses.

A combien estimez-vous les pertes enregistrées ?

Cette question, je la réserve à la direction financière. Les coûts sont là quand même.   Pour la réparation de l’usine, la première estimation qui avait été avancée était de l’ordre 825 millions de dollars US. Naturellement, il y a l’extension qui est prévue plus tard. Pour ça, les chiffres vont tomber aussi.

Quel est votre message à l’endroit de tous, pour éviter les mêmes vécus ici et d’ailleurs en Guinée ?

Il faut d’abord qu’on soit mûr, qu’on réfléchisse plusieurs fois avant de prendre certaines décisions. Je ne vais pas réveiller les morts aujourd’hui puis remuer le couteau dans la plaie, mais nous avons été victimes d’une certaine intimidation et tout le monde s’est laissé embarquer dans cette voie. Puisqu’il y a eu un peu de l’influence du Mouvement Syndical.  Si moi je suis syndiqué par exemple, si on veut me défendre, on a besoin de mon avis puisque c’est une cause qui m’intéresse. Mais quand vous voyez les syndicats prendre une décision parce qu’ils ont la voie au chapitre, ce sont eux qui convoquent tout le monde en assemblée, ce sont eux qui dictent ce qu’ils veulent sous l’anonymat des travailleurs, et qu’on ne laisse même pas la parole aux travailleurs de s’expliquer, là ça ne va pas.

Quand je vois un secrétaire général du syndicat qui vient dire on va en grève. On a décidé ceci ou cela, il ferme le micro ! Il ne donne même pas le temps aux autres de s’expliquer. Je ne peux cautionner que tu prétends me défendre. Peut-être qu’il y a eu des dessous. Est-ce que ce n’est pas ton propre intérêt que tu es en train de défendre ? Si c’est pour moi, il faut me laisser le soin de m’expliquer. Et c’est ce qui s’est passé. On nous a embarqué sur cette voie, on n’avait pas la possibilité de nous exprimer. Le syndicat était soutenu par certaines personnes, et c’était leur staff.

Personne ne vous dira dans cette usine, qu’il a été consulté pour donner sa voix avant de déclencher la grève. Quand on est syndicat, la démocratie exige que chacun donne son point de vue. Si c’est moi que tu défends, tu ne peux pas m’entraîner sur une voie que je n’ai pas choisie. C’est ce qui s’est passé. C’est la loi du plus fort. Aujourd’hui les conséquences sont là. Nous travaillons, les syndicalistes ne sont même pas là. C’est nous qui trainons tout pour réussir à redémarrer l’usine. Tout le monde a souffert de cette crise. Les conséquences : vous voyez aujourd’hui des bonnes dames prendre des confiseries aller vendre dans les périphériques comme Boffa, Tanènè et autres. Et ça, c’est avec le peu d’énergie que nous avions ici. C’était le seul moyen de subsistance des citoyens.

Si on s’était écouté, on aurait laissé le soin à chacun de s’exprimer pour trouver une solution favorable à la demande. Personne n’est contre le mouvement pour qu’on nous donne des salaires. Parce que si on avait gagné, je serai parmi les plus heureux parce que j’aurais une augmentation de salaire. Mais il faut le faire avec une certaine logique. Choisir le moment qu’il faut. On ne s’est pas compris. Soit tu vas ou tu restes. Il ne faut pas se laisser entrainer n’importe comment par la soif de l’argent.

Nous avons besoin du soutien du Gouvernement parce que nous travaillons dans des conditions difficiles aussi. Heureusement ils sont là, ils nous observent, ils assistent. Tout le monde a vécu ce qui s’est passé. Aujourd’hui il y a une ambiance qui s’est rétablie dans la cité parce que tout le monde est en train de constater qu’il y a des travaux qui s’effectuent. Tout le monde a les yeux braqués sur cette usine. Quand on voit les premières fumées sortir de la cheminée de cette usine, ça crée de la joie chez tout le monde. Il faudrait qu’on soit solidaire parce que ce bijou c’est pour tout le monde. A commencer par Fria, c’est notre point de subsistance.

Entretien réalisé par Aliou BM et Mamadou Diallo envoyés spéciaux

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