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Politique du cannibale : comment survivre politiquement de la chair de l’autre ?  

Tribune. À chacun sa conscience et les choix que celle-ci implique. Visiblement, Naité et Mouctar Diallo ont choisi, au prix de l’indignité et de la mort d’autrui, de donner un sens à leur vie et d’orienter ainsi leur carrière politique.

L’injustice, l’inégalité, le mensonge, le fourvoiement, le crime peuvent être rationalisés pour justifier, au nom du Bien !, l’implacable continuité du pire. Nous avons déjà appris de la littérature africaine postcoloniale et des écrivains de l’Europe de l’est (Vassili Grosaman, Alexandre Soljenitsyne) que c’est au nom du BIEN que le totalitarisme a pris le visage de la démocratie.

Aujourd’hui, en Guinée, c’est sous couvert du « peuple mature », de la « nation », de la « république » ou du « changement » que Naïté, Mouctar Diallo, Kassory Fofana et bien d’autres veulent renforcer l’armature autoritaire et reconduire, sous l’aile protectrice de l’armée, un système d’injustice qui, depuis soixante ans, a fait de la Guinée une fausse commune. L’inhumanité est devenue l’autre nom de l’humanité. Le goût du pouvoir ayant figé la conscience morale, ministres et conseillers n’hésitent plus à sacrifier l’humanité du Guinéen sous l’autel de la démocratie. Du PDG au RPG, en passant par le PUP, l’idée de la démocratie a été la guillotine des Guinéens, ceux qui sont loin des cercles du pouvoir et qui n’ont aucun parent proche des réseaux politiques informels.

Naïté s’incline devant la mémoire des victimes de la répression politico-militaire tout en  félicitant Alpha Condé qui est entrain de se maintenir au pouvoir sur fond justement de répression militaire ; le ministre des Travaux publics nous parle de la « Guinée physique », «celle des Infrastructures routières, énergétiques, portuaires et sanitaires », alors qu’en dix ans de gouvernance les populations guinéennes souffrent cruellement de manque d’infrastructures routières, énergétiques, portuaires et sanitaires. Quant au bilan d’Alpha Condé en matière de Travaux publics, seulement 3 % des engagements ont été tenus selon le travail réalisé par Ablogui.

Les Guinéens vont se soigner au Sénégal, au Maroc, en Tunisie et pour les ministres et conseillers…..dans les pays occidentaux. Le problème est que la « Guinée physique » dont parle Naité est extrêmement physique dans le sens où elle est dépouillée de toute humanité. Que Naité aille parler aux usagers et aux transporteurs de la route pour connaître son bilan. Pour des ministres qui ne rendent de comptes qu’au président, et dont le pouvoir échappe à toute surveillance et contrôle institutionnel, on peut très bien comprendre l’attitude servile et l’empressement à féliciter un pouvoir qui vit du commerce de l’injustice et des inégalités. Mais, j’espère que la vigilance des intellectuels,  écrivains, artistes et journalistes opposera une contradiction à ces stratégies d’enfumage qui visent, au nom du peuple meurtri, à sauver des postes de ministre.

La stratégie d’enfumage de Mouctar Diallo, exemple avéré des pratiques néfastes de la transhumance politique, est encore plus évocatrice. Sa campagne à Pita relevait d’un opportunisme qui crève les yeux. Mais c’est là une manière gagnante d’obtenir les faveurs du Guide providentiel ; car Mouctar  interprète la victoire d’Alpha Condé comme un« Nouveau pacte d’engagement » voué à «   renforcer les droits humains, les principes de l’État de droit et de la démocratie et les institutions de la République ». Comme quoi, la Guinée de Mouctar se résume à ce que lui présentent ses désirs et intérêts.  Après morts d’hommes, des femmes violées, des opposants qui croupissent dans l’enfer des prisons guinéennes, ce serait l’avènement d’un « Nouveau pacte démocratique » !

Il ne faut pas plus pour voir jusqu’où la tyrannie des désirs altère la conscience et brouille la ligne entre le juste et l’injuste. Mouctar Diallo est en train de faire de l’injustifiable un désir passionné appelé à être réalisé, comme si la dictature du pouvoir est un destin inévitable pour les Guinéens. Empoisonné par ses propres fantaisies opportunistes, Mouctar évoque un nouveau pacte démocratique alors que le sang et la misère ont été les voix qui ont permis au RPG de confisquer le pouvoir, et ce, depuis le coup force constitutionnelle du 22 mars. Et de quelle République Mouctar nous parle ? De la République qui n’a jamais existé en Guinée ? Des droits l’homme ? Où est d’abord l’humain en Guinée ? à quoi se reconnaît-il ? Rousseau se posait la question de savoir : « pourquoi seul l’homme est tyran de lui-même ? » Je dirais : c’est parce qu’il est le seul être naturel capable de présenter le mal sous le visage du bien.

C’est très exactement ce que nous donnent à penser ces trahisons de l’idéal de justice que représentent Naité, Mouctar et compagnie. À nous Guinéens, malgré les menaces encourues même ici au Canada, il nous faut résister, sans piller ni tuer. Mais en faisant de notre vulnérabilité une arme, de notre plume une résistance. Ne laissons pas les Naité et Mouctar nous dire ce que c’est que la démocratie et la République. À cette conscience du faussaire qu’ils incarnent, il faut opposer notre conscience morale et donc notre dignité. Sans crainte de représailles…

 

Amadou Sadjo BARRY

Québec, Canada

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