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Mines : la Guinée s’enfonce dans le gouffre chinois

Malgré les sonnettes d’alarmes tirées par les spécialistes de la coopération internationale, malgré les inquiétudes et les réserves soulevées par les organisations de la société civile guinéenne, le pouvoir de Conakry semble inexorablement captivé par l’empire du milieu sur qui elle mise plus que jamais pour sortir le pays de l’ornière. Sa dernière trouvaille en date, se nomme « ressources minières, contre prêts financiers ».

Pour attirer l’attention des autorités guinéennes sur l’influence et l’inquiétante montée en puissance de la chine dans l’économie guinéenne, notamment dans le secteur minier, nous avions lors d’une tribune publiée en juillet dernier, mis en garde sur les risques environnementaux encourus par la Guinée par la surexploitation de ses ressources bauxitiques par des sociétés chinoises. Avec la signature de ce nouveau deal sino-guinéen de 20 milliards de dollars qui s’étend sur une période de 20 ans, ce rapprochement semble avoir atteint un point de non-retour.

Selon les contours de ce « contrat providence », c’est un programme de ressources minières contre prêts et financements chinois, couvrant la période 2017-2036 avec un rythme de décaissement d’un milliard de dollars par an, sur les vingt prochaines années. Des dettes que les générations futures devront certainement supporter.

Si cet accord qui fait la Une des medias guinéens est brandi comme un trophée de guerre par Conakry, ce qui est tout à fait à son honneur, car ce montant faramineux pourrait permettre de mener un programme de développement ambitieux sur les 10 ou 20 prochaines années, mais le fait que cela soit une sorte de troque contre les ressources minières du pays confirme les inquiétudes que nous soulevions deux mois plus tôt.

Tous les spécialistes du secteur minier à travers le monde savent pertinemment que le regain d’intérêt de la Chine pour la Guinée est d’ordre strictement stratégique car étant intimement lié à sa volonté d’assurer l’approvisionnement de ses raffineries en bauxite pour pallier aux restrictions de son principal fournisseur, l’Indonésie, dans le but de perpétuer son hégémonie sur le marché mondial de l’aluminium. C’est le deal idéal pour une chine en soif de puissance et d’affirmation.

Au-delà du China bashing habituel porté par les Occidentaux, la chine est un ogre qui a mauvaise réputation en éthique des affaires, surtout sur le continent africain ; et lentement mais surement l’empire du milieu avec un rapport de force démesuré est en train de faire main basse sur les ressources minières de la Guinée dont les autorités continuent à lui dérouler le tapis rouge.

Sa principale société exploitante la SMB (société minière de Guinée) qui opère dans le corridor nord-ouest de la Zone de Boké et qui, avec 4 dollars la tonne de bauxite (contre 10 pour la CBG), est passée de 12 millions de tonnes en 2016 à 30 millions de tonnes en 2017! Soit une hausse exponentielle de sa production de 50 % en l’espace d’une année et selon les responsables de ce consortium dirigé par la Chine, l’objectif c’est d’atteindre les 80 millions de tonnes en 2020.

Avant que quiconque ne commence à exulter devant ces résultats, il faille savoir que contrairement aux sociétés traditionnelles comme le consortium CBG (compagnie des bauxites de Guinée) et le géant Russe, Rusal, qui eux font des opérations sur la chaine avec un process de transformation préalable (concassage, broyage, séchage avant expédition….), la SMB elle, se contente de transporter sans aucun traitement préalable, la terre rouge guinéenne (le minerai) vers la chine où se fera la transformation. Ce sont au passage des milieux d’emplois qui sont perdus dans la nature….

 

À chaque fois nous en arrivons au même constat, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la Guinée comme l’Indonésie avant elle, encourt les mêmes conséquences environnementales et écologiques en livrant ses ressources minières à la Chine, sans aune garantie d’impact en matière de développement économique durable.

Mais au-delà des menaces d’ordres écologiques et environnementales que suscite l’arrivée de l’empire du milieu dans les mines guinéennes ; au-delà de ce impressionnant moyen de pression politique dont elle vient d’obtenir avec la signature de ce contrat, l’on s’interroge réellement sur le leadership et la capacité de la Guinée à tirer profit d’une aussi importante manne financière qui en principe devrait lui permettre d’amorcer son décollage économique.

Comme le disent souvent les spécialistes du développement, avoir les moyens est une chose, avoir une vision et un plan de développement pour investir ces moyens au service d’un développement durable, en est une autre. La Guinée parviendra-t-elle à combler le fossé entre ses ambitions d’émergence et l’implacable réalité de son propre système de gouvernance politique et économique wait and see.

Mamadou Aliou Diallo pour afriquevision.info

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