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L’inflation : les causes et les effets (Partie 2)

Lors de notre précédente publication sur l’inflation, nous avions défini l’inflation et montré comment elle est mesurée en République de Guinée. Dans cette seconde partie, nous allons traiter des causes et conséquences de l’inflation.

Quelles sont les causes de l’inflation ?

Les causes de l’inflation sont multiples et variées. Elle peut venir :

  • D’une hausse excessive de la quantité de monnaies : On parlera dans ce cas d’inflation monétaire. Cette forme d’inflation est due à l’augmentation de la masse monétaire (billets, pièces, dépôts à vue, bons du trésor…) par la Banque Centrale qui émet des billets de banques. Par l’octroi des crédits, les banques commerciales participent également à cette forme d’inflation. Le mécanisme est simple, les agents bénéficiaires des crédits ou de la monnaie supplémentaire mise en circulation voudront utiliser ces ressources supplémentaires pour consommer. Or si la demande augmente sans que l’offre ne puisse avoir le temps de s’ajuster (c’est le cas à court terme [1]), cela conduit à l’inflation. En effet, puisque les producteurs n’ont pas pu augmenter la production car elle met du temps à s’ajuster à la hausse, ils vont augmenter les prix de manière ramener au même niveau l’offre et la demande : on a donc une inflation qui a pour origine la masse monétaire.

Ce type d’inflation est souvent lié à la mauvaise gestion de l’Etat qui recourt souvent à la technique de la « planche à billets » afin de réduire le montant de la dette publique à rembourser. Elle est très surveillée par les partenaires techniques et financiers comme le FMI.

  • D’une augmentation des coûts de production. Dans ce cas, on parlera d’inflation par les coûts ou encore d’inflation importée. Elle est liée à l’augmentation du prix des matières premières importées ou des produits finis importés. Prenons l’exemple du pétrole. Le prix de baril a fortement augmenté. Ainsi, les entreprises guinéennes qui utilisent le pétrole comme matière première feront le choix d’augmenter leurs prix puisque leurs coûts ont augmenté. En réalité, elles absorbent une partie et répercute une partie.
  • D’une hausse excessive de la demande. Les économistes parlent dans ce cas d’inflation par la demande. Cette forme l’inflation provient d’un déséquilibre entre l’offre et la demande pour un ou plusieurs produits. En effet, si la demande est supérieure à l’offre, alors les prix augmenteront mécaniquement afin qu’un point d’équilibre soit trouvé. Si l’offre est incapable de répondre à la demande, c’est souvent le cas à court terme, alors la rareté du produit fera que les prix pourront continuer d’augmenter ce qui créera donc de l’inflation.
  • D’une indexation des salaires sur l’inflation. Cette inflation par indexation a beaucoup existé dans les pays occidentaux où les salaires, les pensions étaient indexées sur l’inflation. Elle est quasiment inexistante en Guinée. Toutefois, les syndicalistes réclament régulièrement que les salaires et pensions soient indexés sur l’inflation. Cela permettrait aux salariés de maintenir au moins leur pouvoir d’achat dans la durée. Toutefois, pour l’Etat, un tel choix peu compliquer la gestion de l’inflation. Car à chaque hausse de l’inflation, l’Etat devra augmenter les salaires, augmentation qui accroit les pressions inflationnistes (inflation liée aux couts, voire monétaire).
  • D’un manque de confiance en la monnaie : La valeur d’une monnaie dépend également de la confiance qu’on lui accorde. Sur les marchés financiers, le manque de confiance en une monnaie se traduit par la chute de son cours de change. Si par exemple les investisseurs sont méfiants envers le franc guinéen pour quelques raisons que ce soit, alors la valeur de notre monnaie par rapport aux autres monnaies va baisser [2]. En perdant de sa valeur, cela va favoriser l’inflation. En, effet, il faudra par exemple payer plus de francs guinéens pour importer des produits des autres pays.
  • D’une politique monétaire : La baisse des taux directeurs par la banque centrale augmentent mécaniquement l’inflation. En effet, d’une part la monnaie va se déprécier car la devise nationale devient moins rémunératrice et d’autres parts, les banques commerciales vont emprunter massivement auprès de la banque centrale (le coût de l’argent étant moins élevé). De plus, les banques commerciales vont elle-même prêter davantage aux acteurs économiques ce qui créera d’autant plus d’inflation.

Les causes inflationnistes sont donc multiples. Ainsi, la lutte contre l’inflation ne peut se résumer à la seule politique monétaire.

Quelles sont les conséquences de l’inflation ? Et pourquoi elle fait tant peur ?

Les conséquences sont nombreuses mais pas toujours négatives.

  • Hausse des salaires : Bien que les salaires ne soient pas indexés sur l’inflation, une hausse de l’inflation entraine une pression à la hausse des niveaux de salaire. En effet, l’inflation érode le pouvoir d’achat des travailleurs qui vont se mobiliser pour restaurer leur pouvoir d’achat. Cela peut conduire à des tensions sociales fortes. Il faut garder à l’esprit que si les salaires augmentent plus vite que les prix, alors les ménages s’enrichissent. A l’inverse, si les salaires augmentent moins vite, alors  il y a une perte de pouvoir d’achat.
  • Allègement de la dette pour les débiteurs : 1 GNF aujourd’hui ne vaut pas 1 GNF de demain. En cas d’inflation, 1 GNF de demain vaudra moins que 1 GNF d’aujourd’hui. Ainsi, si vous avez un emprunt bancaire à taux fixe, le montant à rembourser chaque mois sera identique mais cela représentera une part moindre dans votre budget. Les Etats utilisent parfois cette technique pour réduire le poids de la dette publique que l’Etat doit rembourser à ses créanciers. Toutefois, cela aboutit à la perte d’une partie de la valeur de la dette pour les créanciers (préteurs).
  • Favorise les exportations : L’inflation favorise l’exportation de nos produits. En effet, l’inflation fait que la valeur de notre monnaie se déprécie face aux autres monnaies et donc cela coûte moins chère aux importateurs étrangers d’acheter nos produits. L’inflation pourrait donc dynamiser l’activité économique de notre pays et créée à terme de nouveaux emplois afin de répondre à la demande supplémentaire.
  • Nuit aux importations : A l’inverse, l’inflation est néfaste pour les importateurs qui paieront plus cher pour importer les produits étrangers du fait de la dépréciation de la monnaie face aux devises étrangères. Si un pays à une forte dépendance énergétique ou pour sa consommation alimentaire courante envers l’extérieur, alors l’inflation aura pour effet de lui augmenter sa facture énergétique ou de consommation en biens étrangers.
  • Signe d’une bonne santé économique d’un pays: L’inflation en soit n’est pas mauvaise car elle est signe de croissance économique. La croissance s’accompagne presque toujours d’une hausse de l’inflation. Parfois, nous avons vu, elle nourrit la croissance. Toutefois, cette inflation doit être modérée et ne pas dépasser le taux de croissance du PIB[3]. Le taux de croissance réel d’un pays se calcul de la manière suivante : taux de croissance du PIB nominal – Taux de croissance de l’inflation.

Si le taux d’inflation est supérieur au taux de croissance du PIB, alors l’économie réelle est en récession.

  • Favorise les détenteurs d’actifs: L’inflation accroît la valeur de votre bien immobilier. En effet, s’il y a hausse des prix, celle-ci se généralise à l’ensemble des biens et services et la valeur de votre bien immobilier sera donc plus importante. Pour les autres types d’actifs, le principe est le même. A l’inverse, les investisseurs paieront eux plus cher pour acquérir un bien ou un actif.

Faut-il souhaiter un niveau d’inflation nul ou négatif ?

La réponse est non. Une inflation nulle veut dire que les prix n’augmentent pas. Une inflation négative veut dire que les prix baissent.  La baisse des prix ici et là peut constituer certes une bonne nouvelle. Mais un tel phénomène peut aussi être  extrêmement dangereux, s’il se généralise. Dans ce cas, on parlera de déflation : c’est-à-dire une baisse généralisée des prix sur l’ensemble des biens et services

Or, une baisse généralisée des prix entraîne automatiquement une baisse de la production car les entreprises en voyant les prix chuter vont décider de produire moins car elles font moins de profits et pour éviter les pertes. Si les entreprises produisent moins, voire ne produisent plus, cela se répercute sur l’emploi et les salaires.

C’est pourquoi, un certain niveau d’inflation n’est pas mauvais en soit. Il ne faut pas perdre de vue que l’inflation stimule l’activité économique pour les raisons contraires de la baisse des prix : les entreprises investissent car elles gagnent plus. Les ménages, eux, se dépêchent d’acheter pour ne pas devoir payer plus cher demain.

Que faut-il en conclure ?

En premier lieu, il convient d’être prudent dans l’analyse de l’inflation en raison des limites liées à son mode de calcul. Bien que la plupart des consommateurs voient l’inflation comme le mal incarné, l’inflation est parfois bienfaisante. Au final, l’inflation, c’est comme les microbes. L’important, c’est de distinguer les microbes pathogènes des souches bénéfiques.

C’est pourquoi,  la gestion de l’inflation doit se faire de manière minutieuse. Les études d’impact devraient précéder les prises de décisions pour éviter de tuer les souches bénéfiques.

 

Mamadou Barry, Économiste, Ph.D

Assistant du Ministre du Budget

Expert en Gouvernance économique

mbarry@mbudget.gov.gnmamunbar@yahoo.fr

 

[1] On dit que l’offre est inélastique à court terme.

[2] Les spécialistes diront que la monnaie guinéenne s’est dépréciée par rapport aux autres monnaies.

[3] PIB = Production intérieure brute. C’est la production des unités de production résidentes en Guinée.

 

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