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Les énergies renouvelables au soutien des défis infrastructurels en Afrique subsaharienne

Si la production décentralisée semble être un modèle à privilégier en Afrique subsaharienne, elle est encore fortement dépendante d’investissements de bailleurs de fonds étrangers.

« Les coupures d’électricité, c’est du passé » constate la directrice de l’aéroport de George en Afrique du Sud. Inauguré le 26 février 2016, cet aéroport est le premier du continent (et deuxième du monde, après Cochin en Inde) à être équipé d’une centrale photovoltaïque lui conférant une autosuffisance énergétique.

Cette décision de ne pas dépendre du réseau électrique national s’explique en partie par le manque criant d’infrastructures de production, de transport et de distribution d’électricité en Afrique du Sud mais aussi plus généralement en Afrique subsaharienne. Il s’en infère d’ailleurs un constat alarmant dans cette région :

– la puissance totale installée, hors Afrique du Sud, totalise 28 GW[1], pour 1,05 milliard d’habitants (contre 132,9 GW en France métropolitaine pour 67 millions d’habitants[2]) ;

– environ un quart des capacités de production est hors d’état de fonctionnement et de nombreuses autres vont bientôt avoir plus de 40 ans. À titre d’exemple, sur les 13 GW de puissance totale installée au Nigéria, plus grand producteur de pétrole d’Afrique et 3e exportateur mondial de gaz naturel liquéfié[3], seuls 5GW sont opérationnels[4] ;

– 8,5 coupures d’électricité par mois (0,5 en Erythrée contre 32,8 au Nigéria), durant jusqu’à 6,5 heures en moyenne (1h au Rwanda contre 34h en RDC) sont comptabilisées [5].

Face à ce constat, il est nécessaire de repenser l’organisation d’un système électrique défaillant.

Historiquement les pays occidentaux ont fait le choix de développer un système électrique centralisé basé sur la création de grandes centrales nucléaires et à charbon, éloignés des lieux de consommation. D’énormes quantités d’énergie sont produites à quelques endroits du pays puis transportées par des lignes à haute tension. La volonté de modifier ce système se heurte aujourd’hui aux difficultés à s’affranchir de ces énergies fossiles.

L’Afrique subsaharienne, elle, a la chance de pouvoir mettre en place un système de production décentralisée sans être freiné par un modèle déjà en place. D’autant plus qu’elle dispose des solutions techniques et des ressources pour ce faire.

D’une part, la population des Etats de cette région est majoritairement rurale, vivant dans des villages isolés, peu densément peuplés et éloignés des centrales de production d’énergie. Ces villages offrent ainsi un terrain propice au développement d’installations de production de petite capacité raccordées directement au lieu de consommation.

Du fait d’une production réalisée à proximité de son utilisation, le réseau à créer est plus court induisant de plus une réduction des coûts à la création et à l’utilisation.

D’autre part, les énergies renouvelables sont compatibles avec la production décentralisée. Or, l’Afrique tout entière est une source d’énergie renouvelable. Selon la Banque africaine de développement, l’Afrique possède-rait même « plus de la moitié du potentiel d’énergies renouvelables de la planète » [6] : ensoleillement tout au long de l’année (six des dix pays les plus ensoleillés au monde sont en Afrique subsaharienne [7]), côtes venteuses, ressources géothermiques à l’est et potentiel hydraulique très important.

Concrètement, le solaire et l’éolien sont des technologies qui peuvent être déployées facilement et ont ainsi déjà permis d’éclairer des salles d’opérations de centres de santé, de stocker des vaccins et médicaments au réfrigérateur, d’éclairer des écoles afin que des élèves puissent continuer à étudier une fois la nuit tombée ou encore d’alimenter des pompes à eau permettant au réservoir de se remplir seul, facilitant ainsi le travail d’agriculteur.

Dans le village de Zantiebougou au Mali, l’installation d’un mini-réseau électrique alimenté par des panneaux solaires a pallié les difficultés de raccordement au réseau national. Ce village, situé à environ 200 km de la capitale Bamako et à plus d’une centaine de kilomètres du réseau national, a bénéficié du financement de l’Agence malienne de l’énergie domestique et de l’électrification (AMADER) avec l’appui de la Banque mondiale. Cela a grandement participé au développement d’une coopérative de production de beurre de karité générant des revenus conséquents pour ses membres.

Par ailleurs, la géothermie et l’hydroélectricité offrent la possibilité de construire des interconnexions régionales dans les zones où le potentiel énergétique est situé aux frontières (ex : fleuve Sénégal, vallée du Rift). Grâce à ces marchés régionaux, les investissements sont mutualisés, le déploiement des infrastructures est rationalisé de même que la maintenance et la sécurité optimisée permettant de faire face au défi financier de déploiement du réseau électrique.

Les acteurs locaux susceptibles de développer ces projets, que ce soit sur les plans technique, commercial ou juridique, sont à pied d’œuvre. C’est avec eux que les acteurs français de ces marchés (développeurs de projets, fournisseurs, investisseurs et conseils) doivent travailler. Si la France veut s’impliquer, elle doit s’appuyer sur ses correspondants locaux.

Toutefois, si la production décentralisée semble être un modèle à privilégier en Afrique subsaharienne, elle est encore fortement dépendante d’investissements de bailleurs de fonds étrangers. Pour y remédier, les Etats d’Afrique subsaharienne doivent s’assurer qu’elle s’inscrit dans un contexte politico-économique stable, régi par un cadre légal clair, encadré par une régulation juste et transparente ainsi qu’une planification cohérente et des conditions de tarifications de rachat de l’électricité attractives.

Avant que ce cadre soit efficacement mis en place sur tout le continent, il est nécessaire de progresser avec prudence et en ayant recours à tous les conseils et assistances adaptés. Il n’en reste pas moins que les opportunités sont bel et bien là !

 

Par Augustin Nicolle, avocat associé et  

Anaïs Reilhac, avocat

BCTG Avocats

 

[1] AFD, Accélérer la transition énergétique en Afrique, Mars 2016

[2] Site de RTE, bilan électrique2018

[3]BP, Statistical Review of World Energy,juin 2020

[4] DG Trésor – Ambassade de France au Nigéria, Le secteur électrique au Nigéria, août 2019

[5]Banque mondiale

[6] Banque africaine de développement, Eclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie, chapitre 1, 2016

[7] Organisation météorologique mondiale

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