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Le pouvoir absolu reste un fléau au même titre que les épidémies (Par Tierno Monénembo)

Le devoir de virulence ! Lequel des deux est le plus dangereux : le virus de la tyrannie ou celui des épidémies ? Qui tue le plus en Afrique : nos guides bien-aimés ou les sales bestioles du Sida ou d’Ebola ?

La répression et l’épidémie passent pour des sujets sensibles et pas seulement dans les pays à démocratie variable. Difficile d’obtenir des données mathématiques fiables : toute enquête dans ces domaines se perd dans le sable.

En général, ce sont les organisations de droit de l’homme qu’elles soient locales ou internationales qui dénombrent les victimes de l’arbitraire et les Etats, celles d’Ebola ou du coronavirus avec toutes les réticences que l’on devine.

Si on se fie aux données éparses glanées ici et là, c’est le Sida qui arrive en tête de ce morbide palmarès : près de 15 000 000 de morts depuis le début de l’épidémie, loin devant Hissène Habré, Hailé Mariam et Macias Nguéma etc. Mais face à Ebola et à Coronavirus, il n’y pas match, comme on le dit en Côte d’Ivoire : la trique de nos « pères fondateurs » prend largement le dessus.

C’est malheureux à dire mais dans bien des cas, les Africains risquent 10 fois plus de crever sous la cruauté de leurs dirigeants que sous celle de nos ennemis, les virus. Rien d’étonnant à cela : nous sommes au berceau de Sékou Touré, de Mobutu, de Bokassa, de Omar El Béchir et de quelques autres tendres et loyaux serviteurs du genre humain.

Prenons le cas d’Ebola par exemple. Ces dernières années, le virus a fauché environ 14 000 Africains : 3 000 au Congo, 4 800 au Libéria, 3 900 en Sierra-Léone et 2 500 en Guinée. Du menu fretin à côté du carnage d’un Samuel Doe, d’un Mobutu ou d’un Sékou Touré. Selon Amnesty International, 50 000 personnes auraient péri rien qu’au Camp Boiro, sous le règne du premier président guinéen. Inutile d’avancer des chiffres en ce qui concerne le Zaïre : les victimes de Mobutu sont innombrables. Celles de Samuel Doe aussi.

Alors que l’Europe et les Usa ne savent plus où donner de la tête, l’Afrique se trouve relativement épargnée par le coronavirus : environ 2 800 morts sur une population de 1 200 000 000. Humainement, c’est beaucoup mais statistiquement, c’est très peu. Comparé au nombre des victimes de nos dirigeants, Coronavirus revêt le doux visage d’un ange. Hasardons-nous à ébaucher une petite comparaison sommaire :
Coronavirus : 264 au Soudan, 183 au Maroc, 39 au Tchad, 5 en Ethiopie, et 0 en Ouganda (à la date du 7 Mai).

Répression politique : 300 000 au Soudan (sous El Béchir), 3000 au Maroc (sous Hassan II), 40 000 au Tchad (sous Habré), 500 000 en Ethiopie sous (Haïlé Mariam), 150 000 en Ouganda sous Idi Amin Dada.

L’ennui, c’est que la courbe n’a pas été inversée malgré les promesses démocratiques des années 90. Sous la Guinée de Alpha Condé (« premier président démocratiquement élu du pays ») par exemple, la répression policière est d’environ 40 fois plus élevée que l’effet de la pandémie qui nous confine : 481[i] contre 11.

Malgré les insignes et les harangues, le pouvoir absolu reste un fléau au même titre que les épidémies. Encore que les épidémies, on peut espérer les vaincre un jour.

Mais quel vaccin contre le virus de la dictature ?

Tierno Monénembo, in Le Lynx

[i] Amnesty International cité par maîtres Bourdon et Ceccaldi, avocats du FNDC).

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