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Le guerrier à la plume enchantée nous a une dernière fois taquinés !

Ce sont certainement les lignes les plus difficiles que je n’ai jamais eues à tracer. Dans mon parcours d’auteur faussement inspiré, je n’ai jamais ressenti une telle violence pour traduire mes pensées.

Il y a des douleurs dont on a du mal à accoucher, même lorsque notre grossesse à terme est arrivée. Mais si l’écriture est l’exutoire des cœurs malmenés, alors je dois mouler ces lettres mal fécondées, pour dire la peine qui en moi vient de se nicher.

Ce matin encore, l’adage prend tout son sens : « Ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont les premiers ». Sous mes pieds, la terre a tremblé. D’un bruit sourd ma tête a grondé. Un bruit étouffant. Asphyxiant. Ecrasant.

Son visage jovial m’est apparu dans le hurlement de mon être comprimé, dans le vacarme de mon âme serrée. Fichu temps qui s’est accéléré. Pourquoi ne s’est-il pas arrêté ? Se figer. Se bloquer. Pour te donner le temps de te retourner, de t’écarter. Mais tu as regardé la mort droit dans les yeux sans vaciller. Tu lui as certainement souri dans ce sourire dont tu as le secret. Tu t’es sûrement moqué. Tu l’as évidemment défié.

Avec ton humour excité. Elle t’a volé. Parce qu’elle veut aussi profiter. De ta générosité enviée. De tes délires passionnés. De ton sarcasme toujours affiché. De tes ironies qui ne tarissent jamais. Elle s’est vite éclipsée. Ton âme dans sa gibecière comme ultime trophée. Elle se dit qu’il n’y a pas de raison de s’attarder. Parce qu’il n’y a de raison que nous soyons les seuls à profiter de ta personnalité décalée.

Dans un pays coincé entre la pauvreté et les injustices illimitées, tu as eu le don de nous décrisper, de nous dérider, de nous faire sourire malgré les vicissitudes de cette maudite Guinée. Tu es parti sans te retourner. Et pourquoi diable tu ne t’es pas retourné ? Pourquoi a-t-il fallu que par ton travail tu sois absorbé ?

Il paraît que cela s’appelle destinée. Que ta comète devait s’éteindre dans le silence de l’obscurité. Que tu devais t’en aller sans que toi aussi je sois à tes côtés. Cruel destin qui fauche sans trembler. Cruelle cruauté. Cruauté. Brutalité. Atrocité dans la cité. C’est mon cœur en lambeaux qui veut t’appeler, te héler, te chuchoter à quel point je suis navré.

La terre a tremblé. La mort a volé. Elle a chipé et la terre n’arrêtera pas pour autant de tourner. Nous n’arrêterons pour autant pas de bouffer, de pioncer, de chier, de baiser, d’errer dans ce pays liquéfié par tant douleurs comprimées.

Cher confrère au regard enflammé, cher beau-frère à l’attention jamais égalée, tu retrouveras de l’autre côté la chair de ta chair qui t’a précocement précédé. Tu y retrouveras ton beau-père qui nous a été trop tôt arraché. Et ne t’inquiète pas cher ami désormais du passé, je sais que mon oncle et ton bébé t’ont déjà réservé une place de prince à leurs côtés.

Nous aurions tellement voulu que tu continues à nous faire rêver, à montrer aux jeunes journalistes de ce bled comment ce métier peut être célébré ! Mais ainsi le destin a décidé de ne pas nous écouter.

Dors frère de ton sommeil moins agité que les lumières de notre pays endeuillé. Dors parce que ton sommeil tu l’as mérité. Dors guerrier à la plume rieuse et enchantée. Que le Tout-Puissant ait ton âme d’ange éclairé.

Dors Abdoulaye et permets-nous te pleurer. Même si nos lamentations ne peuvent rien y changer. Merci Dieu de nous avoir permis de connaître ce garçon déphasé. Et puisque tout ce que tu fais est bon nous a-t-on enseigné, que c’est à toi qu’il est tourné, puisque c’est toi qui nous l’avais prêté, alors nous t’implorons de l’accueillir avec l’amour qu’il nous a donné.

Mais je ne doute pas une seconde de ta bonté. Puisque c’est toi qui l’as créé, c’est toi qui as insufflé en lui cette âme qui nous a bellement accompagnés pendant toutes ces années. Ensemble, tous les deux, je sais que vous êtes déjà en train de vous marrer. Silence, Abdoulaye s’en est allé !

 

Soulay Thiâ’nguel

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