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La Guinée se dirige-t-elle vers une révolution de la spatule ?

L’implication des femmes dans la lutte contre les travers sociaux ou la résolution des crises sociopolitiques est une réalité qui saute de plus en plus aux yeux de l’observateur de notre pays. 

Ces dernières semaines, leur tollé contre la fermeture des classes aura eu raison de l’entêtement du gouvernement. Désormais elles entendent faire barrage à la violence politique. Et si ce n’était qu’un début ?

La spatule est cette baguette de bois élargie et aplatie au bout, dont nos mères se servent pour racler le fond d’une marmite au feu, ou modeler les grains de riz, qui sont ainsi tenus ensemble tout en maintenant leur chaleur. Parfois, quoique rarement, elle sert à admonester une fessée aux polissons.

A ce titre, elle symbolise à la fois la nourriture servie avec toute la chaleur de l’amour maternel, et la correction venant de celle sur qui repose la cohésion de la famille tout entière. Cette spatule, les femmes semblent la brandir depuis deux semaines, pour s’insurger contre les dévoiements de notre république.

D’abord, elles l’ont sortie sur l’autoroute à Bonfi, le 6 mars, en réclamant le retour des enfants les salles de classes. Le lendemain, dans une grande marche blanche contre les violences policières, elles ont crié leur ras-le-bol sur la dorsale de la capitale. Elles étaient certes des milliers, mais elles n’ont eu besoin d’aucun policier pour encadrer leur manifestation.

La fête du 8 mars a ensuite sonné comme un avertissement quand elles ont réclamé à cor et à cri au palais du peuple, la reprise des cours. Le chef de l’Etat s’était alors engagé à remanier sans délai le gouvernement, mais ses hésitations lui ont coûté la révolte de la cité de Kaloum, le 12 mars, quand ces mêmes femmes ont scandé des slogans hostiles devant les grilles du Palais présidentiel. La suite est connue.

Jeudi, c’était au tour du médiateur de la République de couler quelques larmes à la vue de centaines de mères, portraits à la main, criant leur consternation devant les assassinats de leurs fils, et surtout contre le manque d’empressement de l’Etat à faire la lumière sur ces crimes. Mohamed Saïd Fofana, sorti de la bulle de la primature depuis deux ans, a semblé se rendre à la dure réalité de l’enfer que vivent ces femmes.

Ces quelques exemples illustrent l’influence prépondérante que nos femmes entendent exercer dorénavant sur la prise de décisions en Guinée. Face à l’inconscience sidérante de nos gouvernants, et la compromission de nos acteurs politiques, elles apparaissent ainsi comme un rempart robuste contre l’arbitraire et l’oppression. Il serait souhaitable qu’elles s’attaquent à des chantiers aussi épineux que la corruption, la gabegie, le viol et l’ethnicisassions du débat politique.

Mais si elles veulent réussir leur pari, elles se doivent de créer une dynamique qui fédérera un plus grand nombre d’entre elles ; et surtout se prémunir contre une quelconque récupération et résister à la tentation de s’ériger en groupements ethnico-politiques.

Peut-être que le salut de la Guinée commencera par là. Peut-être que nous sommes à l’aube d’une révolution de la spatule qui changera durablement la face de la Guinée. Car comme le disait Gandhi, « Si la non-violence est la loi de l’humanité, l’avenir appartient aux femmes. Qui peut faire appel au cœur des hommes avec plus d’efficacité que la femme ? »

 

Mohamed MARA

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