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Hausse du prix du carburant en Guinée : Dr Makanera Kaké, économiste analyse la situation

En réponse à la question de la rédaction du Guepard.net relative à la hausse du prix du carburant, Dr MAKANERA Al-hassane Kaké a souligné des anomalies de gestion et proposé des solutions.

Dr MAKANERA / Le premier ministre, dans son discours de politique générale du gouvernement, avait promis de partager les fruits de la croissance économique aux Guinéens. Il avait dit que: « Tous les efforts seront déployés pour poursuivre les réformes entreprises et garantir l’exécution des objectifs du Plan par l’accélération des décaissements sur les financements extérieurs négociés ou en voie de l’être afin de promouvoir une croissance inclusive et partagée par le plus grand nombre de nos concitoyens ».

Le 1er juillet 2018, le prix du carburant à la pompe a augmenté de 25%, ramenant ainsi le prix du litre à 10.000 Francs guinéens. Donc, on peut dire que la promesse du gouvernement Kassory FOFANA est tenue. Cependant, le gouvernement s’est seulement abstenu de dire aux Guinéens qu’il s’agissait bien des fruits de la croissance négative résultant des conséquences de la mal gouvernance notoire de la chose publique, alors que le peuple s’attendait à une croissance économique positive, facteur de création d’emplois et de richesse, profitables au grand nombre de Guinéens. Donc, les fruits de la croissance (négative) promis par le premier ministre se révèlent très amers et largement repartis entre les citoyens car tous les Guinéens en sont affectés, notamment :

Les nourrissons qui verront leurs rations alimentaires fortement baissées ;

Les ménages qui sont dans l’obligation de réduire de manière drastique leurs consommations ;

Les malades qui seront probablement dans l’obligation de se tourner vers les tradi-praticiens afin de pouvoir contourner les frais médicaux auxquels ils ne peuvent faire face;

La grande majorité de la population subit déjà le coût de transport fortement augmenté, etc.

Selon Vito Tanzi, l’une des têtes pensantes du FMI dans les années 80, la taxe sur l’énergie doit être une taxe exceptionnelle essentiellement provisoire car elle est nuisible à la croissance.

C’est avec cette taxe nuisible à la croissance que le gouvernement KASSORY pense pouvoir créer de la  croissance. Quel paradoxe ?

Pourtant,  comme  écrit dans mon précédent article sur la pratique de la corruption à tous les niveaux des institutions étatiques,  d’autres alternatives bénéfiques sont possibles pour les Guinéens, pour l’économie guinéenne et pour les Finances Publiques guinéennes. Vous me permettrez de me répéter sur ce point en reprenant certaines solutions de mon précédant article  s’agissant de la nécessité absolue de réajustement et de la protection des finances publiques contre  les pillages généralisés dont elles font  l’objet.

Il est à noter que les recettes fiscales constituent la principale ressource du budget, soit 87,03% au titre de l’exercice budgétaire 2018. Les dons, legs et fonds de concours représente 8,72%. Ces 8, 72% ajoutés aux recettes fiscales, représentent 95,75% du total des recettes. Ce qui signifie que les recettes non fiscales ne participent qu’à hauteur de 4,25%. Dans ce sens, le gouvernement Kassory Foafana doit fournir beaucoup d’efforts pour mobiliser les recettes non fiscales. Ainsi, pour augmenter les recettes, le gouvernement doit :

A– Interdire la répartition des excédents de recettes fiscales

A la fin de chaque année budgétaire, on assiste à la répartition de l’excédent de recettes encaissé par l’administration fiscale  entre les agents du fisc au lieu de verser la cagnotte fiscale au trésor.  C’est pourquoi, le quota de prélèvement fiscal est fixé en tenant compte de la part du crédit à partager. Ne soyez pas étonné de l’enrichissement accéléré et insolent des agents de l’impôt en Guinée. Si dans d’autres pays l’impôt est prélevé pour l’État qui le reparti ensuite, quant à la Guinée, l’impôt est prélevé surtout  pour une catégorie de Guinéens qui profitent de nos richesses et se servent à leur guise, ensuite, ils déclarent à l’État ce que bon leur semble et en toute impunité.

B- Comptabiliser les excédents d’exploitation des sociétés publiques et Établissements Publics à caractère industriel et commercial

La Guinée compte aujourd’hui plus de 130 entreprises et établissements publics à caractère industriel et commercial tels que le  Port Autonome, OGP, ARPT etc. Il se trouve que les recettes  de ces sociétés estimées à des milliers de milliards de Francs guinéens ne sont pas comptabilisées, donc, elles ne sont pas contrôlées. Ce qui permet à certains observateurs de dire que ces sommes pharaoniques volontairement dissimulées sont destinées à alimenter les comptes bancaires de certains hauts cadres de l’État guinéen. L’observation la plus banale du niveau de vie et de l’arrogance des directeurs généraux de ces établissements confirme la perception de détournement des deniers publics.

C- Procéder à l’évaluation directe et au contrôle des produits des domaines de l’État

Les produits des domaines de l’État sont sous-évalués. Les revenus de location du patrimoine public bâti  pour 2018  ne sont que de 17 27 0 553 000 FG et la  Cité des nations 138 089 000 FG.

D- Améliorer le rendement des prélèvements effectués sur les sociétés minières.

Le budget pour 2018 enregistre un faible niveau de l’impôt sur les sociétés minières qui est de 5,34%, alors que le nombre de sociétés minières a augmenté ainsi que la production. On ne peut comprendre que le nombre de sociétés minières augmente ainsi que leurs productions et que cela se traduise par une baisse conséquente des recettes fiscales relatives à ces sociétés ! On peut se demander si ces recettes fiscales ne sont pas versées dans d’autres comptes bancaires que celui de l’État

E- Revoir la taxe à l’extraction des mines et carrières

Pourquoi la taxe minière à l’extraction est égale à 0% au titre du budget pour 2018 ? Il y a des anomalies qui doivent faire l’objet d’explication au peuple de Guinée. Il y a des extractions minières à plusieurs endroits en Guinée et on vient nous dire que la taxe minière à l’extraction est égale à 0% au titre du budget pour 2018 !

F- Identifier et comptabiliser les payements des recettes fiscales effectués par les sociétés minières évoluant à Boké et à Forécaria

La gestion des sociétés minières de Boké et Forécaria sont de nature à faire dormir en pleine course de vitesse de 100 mètres. Je peux dire sans risque de me tromper que de telles situations ne peuvent se rencontrer qu’en Guinée. C’est-à-dire, des entreprises minières en pleine activité qui ne figurent pas dans le budget à titre de contribuables. Abstraction faite des personnes impliquées dans cette gestion opaque, les recettes fiscales de ces sociétés qui doivent se chiffrer par des milliers de milliards sont inconnues de la majorité des Guinéens y compris les représentants du peuple à savoir les députés.

G – Apporter des précisions sur les lignes budgétaires entachées de confusion

Avec cette longue liste non exhaustive d’anomalies budgétaires, il convient d’ajouter l’existence de lignes budgétaires qui portent à confusion. Il y a des lignes de dépenses à contenu inconnu. On parle d’achat de biens et services, mais, on ne sait quels biens et quels services ! Il en est ainsi entre autres:

-achat des biens et services (quels biens et services ?),

-achat des fournitures des biens courants (quels biens courants?),

-achat des fournitures des biens spécifiques (quels biens spécifiques?)

-achat des  prestations diverses (quelles prestations diverses ?)

Il est à souligner que les anomalies budgétaires soulevées dans cet article sont loin de couvrir l’ensemble des anomalies qui caractérisent la gestion des biens publics en Guinée. Pourtant, les réajustements des points indexés ci-dessus sont de nature à couvrir largement les dépenses que peuvent engendrer la satisfaction des revendications syndicales.

Si nous acceptons de faire une petite addition des sommes disponibles au niveau des lignes budgétaires suivantes: ensembles non ventilés, doubles emplois dans les dépenses communes et  dotations des services non fonctionnels, nous constaterons l’étendue de solutions dans les mains du gouvernement, permettant de résoudre les revendications syndicales. Il en est ainsi de :

1- Ensembles non ventilés pour 16 ministères sur 68 institutions : 044.723.000 fg (Deux cent sept milliards, quarante-quatre millions, sept cent trois mille FG).

2 – Doubles emplois dans les dépenses communes : 1.913.892.558.000 FG (1913 milliards, 892 millions, 558 mille Francs guinéens)

3 – Dotations des services non fonctionnels : 5.903.870.000 fg (Cinq milliards, neuf cent trois millions, huit cent soixante-dix mille FG)

Les trois postes ci-dessus permettent de faire une économie évaluée à  2126 84 1 151000 fg (Deux mille cent vingt-six milliards, huit cent quarante-un million, cent cinquante-un mille FG) soit 4 fois supérieur au montant demandé pour les 100.000 fonctionnaires guinéens c’est-à-dire, une somme de  500 milliards FG par an seulement.

De ce qui précède, on peut légitiment se demander sur quel fondement le président de la République et son premier ministre peuvent laisser les ressources internes et externes à la merci des pillards et faire supporter les conséquences de ces pillages par la pauvre population guinéenne  avec cette importante augmentation du prix du carburant ?

On peut affirmer sans risque de se tromper que la pérennisation de cette taxe ramènera la Guinée à la situation de 2007 qu’aucun Guinéen ne désire.

 

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