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 Hausse annoncée du prix du carburant : à quoi joue le gouvernement ?

L’idée fait son chemin depuis la suspension de la grève des enseignants, le 13 mars dernier. Après un ballon d’essai dans la presse internationale, le gouvernement semble bien déterminé à augmenter le prix du carburant à la pompe. Mais cette annonce provoque l’ire des syndicats et de l’opposition, qui affûtent déjà leurs armes. La trêve sociale sera-t-elle à nouveau rompue ? 

Le ministre du budget avait envisagé cette hausse dès le lendemain de la levée du mot d’ordre de grève du SLECG. Mohamed Lamine Doumbouya avait alors promis, sur des ondes étrangères, que les 40% d’augmentation des salaires des enseignants coûteraient un renchérissement du prix du litre d’essence pour les consommateurs, et l’arrêt des subventions dans des secteurs névralgiques comme la fourniture de l’électricité. Déjà, cette annonce sur un média international avait été perçue par beaucoup comme arrogante et inopportune.

Depuis cette sortie, quelques ballons d’essai ont été subtilement injectés dans la presse, en vue de jauger de la réaction des populations. Mêmes les services de douanes ont été mis à contribution dans cette opération de conditionnement des esprits, à travers la saisie de quelques bidons d’essence à la frontière guinéo-malienne. Cette opération, on s’en doute, avait pour but de rappeler aux contribuables que les hydrocarbures coûtent moins chers en Guinée qu’ailleurs. Ce qui du reste est faux ; mais ceci est un autre débat.

L’accord avec le syndicat des enseignants génère une augmentation des charges de l’Etat, c’est un fait. Mais vouloir, vaille que vaille, en faire payer le prix à l’ensemble des consommateurs relève du mépris pour la population qui se voit ainsi punie pour son large soutien apporté aux grévistes. L’argument selon lequel cette injonction viendrait des institutions de Breton Woods ne tient pas non plus la route, dans un Etat où le chauvinisme prononcé du maître du pays est connu de tous. D’ailleurs, appartiendrait-il au FMI et la Banque Mondiale de dicter au gouvernement la privation de nos ménages en électricité, et de hausser le prix du litre d’essence à la pompe ?

L’augmentation des salaires des enseignants ne peut servir de prétexte aux difficultés financières auxquelles le gouvernement se trouve confronté. Le train de vie élevé de l’Etat est, à n’en pas douter, l’une des causes cette situation. Comment expliquer par ailleurs, l’explosion de son parc automobile, avec des centaines de 4×4 toutes aussi voraces en carburants ? Le juteux business autour des bons d’essence est un secret de polichinelle dans la capitale. Or, le gouvernement se doit de donner l’exemple en réduisant les missions imaginaires hors du pays, les séminaires et ateliers inutiles dans les luxueux hôtels de la place et le parrainage de cérémonies qui n’ont aucun caractère officiel. Des visites de terrains qui ne nécessitent absolument pas la présence des autorités au plus haut niveau, continuent pourtant d’être prisées par ces dernières. Les per diem et les passages à la télé nationale ne sont pas étrangers à la gabegie ainsi institutionnalisée.

Qu’on se le dise, la mauvaise gouvernance est la cause principale de l’état désastreux de notre économie. Les mauvais choix stratégiques et la prévarication des deniers publics sont un sport national contre lequel il n’y a aucune volonté politique affrichée. L’ingénierie du vol et de la rapine, à tous les étages de l’administration, est à l’origine de l’endettement à hauteur de deux mille milliards de francs glissants du trésor public auprès de la Banque Centrale. Qui a été renvoyé du gouvernement pour cela ? Qui est poursuivi pour les graves manquements aux règles de l’orthodoxie financière ? Bien au contraire. Le refus de la mise en place de Haute Cour de Justice laisse croire que les complicités se situent à des niveaux très élevés.

 

Au moment où les compagnies minières, les ambassades et quelques entreprises d’Etat dont la vocation est de faire du profil paient le litre de carburant à 4500 francs, le gouvernement préserve ses propres intérêts, et occulte le fait que les mesures annoncées provoqueront à coup sûr une inflation généralisée des prix. Les ménages qui s’en trouveront asphyxiés consommeront moins, et la croissance s’en trouvera fortement affectée. Mais bon, l’argument quoiqu’éculé, mais sans cesse sorti des manches gouvernementales sera encore une fois la crise politique qui secoue le pays, avec son corollaire de manifestations de rue.

Le gouvernement a le choix de mettre fin à la trêve obtenue avec le mouvement social, ou de s’évertuer à trouver d’autres solutions pour maintenir la quiétude dans la cité. Il doit cependant se rappeler que l’essentiel des guinéens végète dans une misère telle que le point de rupture peut être atteint à tout moment. Ils doivent surtout se rappeler que pour se réconcilier, on ne vient pas à la table avec un couteau qui tranche mais avec une aiguille qui coud.

 

Par Mohamed MARA, sur radio Espace

 

 

 

 

 

 

 

 

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