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Guinée/Mines : Alpha Condé et plusieurs de ses acolytes se trempent dans un scandale de corruption (Révélations)

Un projet français capable de séduire des pontes du CAC 40 pour exploiter une mine de bauxite en Guinée tourne au vinaigre : entre paradis fiscaux et corruption, dictature tropicale et néocolonialisme, récit d’un incroyable scandale, au cœur d’une Françafrique qui ne veut pas mourir.

En 2013, un jeune entrepreneur français, Romain Girbal, acquiert de manière douteuse un permis d’exploitation d’un gisement de bauxite en Guinée.

En 2015, Girbal crée en France l’Alliance minière responsable (AMR), qui devait révolutionner le secteur minier par des pratiques éthiques et respectueuses de l’environnement. Le projet a séduit l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, qui a ouvert à Girbal son carnet d’adresses, et lui a permis de faire entrer au capital de l’AMR Anne Lauvergeon ou encore Xavier Niel.

Mais très vite, l’entreprise française se montre incapable de lever les fonds nécessaires à l’exploitation de la mine. Elle va alors céder de manière déguisée son gisement à une entreprise à capitaux majoritairement chinois, la Société minière de Boké (SMB). La SMB est cornaquée par des proches du président guinéen, Alpha Condé. De plus, elle pollue allégrement l’environnement et appauvrit les populations locales.

Les bénéfices de la cession du gisement de bauxite, qui se chiffrent en plusieurs dizaines de millions d’euros (certains parlent même d’un montant total de 171 millions d’euros), se perdent dans les paradis fiscaux. En exclusivité pour l’enquête du Média, Arnaud Montebourg fait part de sa colère et de ses soupçons : d’après lui, cet argent aurait pu enrichir le clan d’Alpha Condé. Un dictateur qui multiplie les violences à l’égard de sa population et se trouve dans le viseur de la Cour Pénale Internationale.

Il était une fois… un père inquiet pour son fiston chéri. On s’imagine déjà le feuilleton TV, dégoulinant de sentiments mièvres et de publicités pour monte-escalier, sur lequel on s’empresserait de zapper, un après-midi de confinement, affalé en slip kangourou sur son canapé. Pourtant, rien ne le présage, surtout pas les premières lignes de cet article, mais nous sommes à l’aube d’une des plus extravagantes affaires de corruption qui ait jamais secoué la République de Guinée. A l’époque, le papa-poule et son fils prodigue n’en savent rien encore.

Jean-Louis Girbal, un ancien de l’ambassade de France à Conakry, haut-gradé de la police à la retraite, tente juste de remettre son fils Romain sur le droit chemin. Le pire, c’est que le gamin est tout sauf bête. Il a même obtenu un master à HEC en 2007. Mais depuis, Romain papillonne. Pour arrondir ses fins de mois, Romain Girbal fait des photos de charme. À Londres, avec sa bouille de Rastignac et sa carrure de nageur est-allemand, on l’a surnommé « le mannequin français le plus chaud du Royaume-Uni ». Et même si son père a dû se ronger les sangs pour lui, il faut reconnaître qu’au tournant des années 2010, Romain a une façon plutôt originale de rater sa vie.

Success story

Quand on lui parle de Romain Girbal, l’ancien vice-président du patronat guinéen Aboubacar Danfakha manque la crise d’apoplexie. En 2012, il fait une fleur au papa Girbal en embauchant Romain dans la société où ils sont co-actionnaires, Tifa Guinée. Romain n’arrive pas en terre inconnue. Il a passé une partie de son enfance à Conakry, sur cette langue de terre qui lèche l’océan, animée autant qu’embouteillée.

Le jeune directeur commercial doit prospecter des clients dans un secteur minier en pleine ébullition. En 2010, l’arrivée au pouvoir de l’opposant historique, Alpha Condé, a rebattu les cartes. Grâce à l’appui du milliardaire George Soros et de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, le code minier est révisé et 800 permis miniers sont annulés, dans un pays gorgé de matières premières.

La Guinée possède la moitié des réserves mondiales de bauxite, le principal minerai entrant dans la production de l’aluminium. L’Indonésie en 2014 puis la Malaisie en 2016 interdiront l’extraction de la bauxite, jugée trop polluante et responsable des boues rouges. Le regard des grandes compagnies se tourne alors vers la Guinée, qui se moque bien des lubies des écolos. Le pays, l’un des quinze plus pauvres au monde, devient un Eldorado minier. La corruption y règne en maître.

Romain Girbal a une longueur d’avance sur tous ses concurrents. Papa Girbal l’a introduit auprès de tout ce qui compte en Guinée. Et notamment auprès d’un des caciques du nouveau régime, le directeur de cabinet d’Alpha Condé, Mohamed Diané. Ce docteur en biologie a été le compagnon de galère puis de fortune du nouveau président.

De droite à gauche : Thibault Launay et Romain Girbal (cofondateurs de l’AMR), Jean-Louis Girbal, Fatima Koloko (la nièce de Mohamed Diané), Mohamed Diané (directeur de cabinet d’Alpha Condé). Source : AMR.

Fin 2013, Diané dégote pour Girbal (qui n’a aucune expérience ni aucune garantie dans le secteur minier, ce qui est pourtant exigé par la loi guinéenne) un permis d’exploration minier sur près de 300 km2 à Boké, dans le nord-ouest du pays. La zone est connue pour receler des trésors de bauxite.

Aboubacar Danfakha, l’ancien vice-président du patronat guinéen, se frotte les mains. Girbal, grâce à ses relations, a réussi à arracher un permis au nez et à la barbe des grandes compagnies minières, comme l’australienne Rio Tinto ou la russe Rusal, déjà présentes dans le pays. Sauf que Romain va garder son précieux sésame pour lui tout seul, et n’en parlera pas à Danfakha. Il crée en douce une autre compagnie, Diandian Bauxite Investment. La société est détenue à 97 % par Guinea Investment Holding Corp, une autre création de Girbal, enregistrée… au Bélize, un pays d’Amérique centrale qui se trouvait jusqu’en 2019 sur la liste noire des paradis fiscaux de l’Union Européenne.

Girbal transfère le permis d’exploration minière au nom de sa nouvelle entreprise. Danfakha se retrouve le bec dans l’eau. Il enrage. Il intente un procès à Girbal, mais après plusieurs soubresauts, jette l’éponge. Danfakha nous confie avoir subi des « pressions et des menaces », notamment de Mohamed Diané. Ses demandes de visa pour la France, auparavant acceptées sans difficultés, auraient été tout à coup refusées par l’ambassadeur en Guinée d’alors, Bertrand Cochery.

Il faut dire que Bertrand Cochery, alors à tu et à toi avec Alpha Condé, appuie l’équipée de Girbal. Il espère que la France remette un pied dans les mines guinéennes (elle en est absente depuis le retrait de Péchiney en 1997). Et derrière cet affairisme un brin chauvin, pointe une défaite jamais acceptée, une humiliation jamais digérée : celle, pour notre pays, d’avoir été chassé de Guinée en 1958 et de n’avoir pas pu y installer la Françafrique.

Bertrand Cochery, au centre, entouré de membres d’AMR. Source : AMR.

La Guinée avait été la seule colonie française d’Afrique à dire « non » à la communauté proposée par le général de Gaulle. Avec l’entrée au palais Sekhoutoureya d’Alpha Condé, ancien professeur de droit public à la Sorbonne et membre de l’internationale socialiste, la France mise à la porte espère se faufiler par la fenêtre.

D’ailleurs, le président François Hollande effectue une visite en grande pompe à Conakry en 2014. Il en profite pour faire pleuvoir des médailles. Les socialistes ont trop attendu le pouvoir pour ne pas en aimer les hochets. Mohamed Diané est fait commandeur de la légion d’honneur française, tandis qu’Alpha Condé est élevé à la dignité de grand-croix. Et qu’importe si les élections législatives, tenues l’année précédente, ont été émaillées de violences et de morts innocentes. La gauche française a ceci de particulier qu’elle oublie souvent ses principes, quand il s’agit d’Afrique.

Le gotha au capital

Pour Romain Girbal, la partie est loin d’être gagnée. Car il n’a pas un sou en poche. Et pour exploiter un gisement de bauxite, casser son PEL et faire la couverture de magazines de charmes n’y suffiront pas. Il lui faut trouver des investisseurs. Girbal va donc se tourner vers Arnaud Montebourg, qui a quitté le gouvernement en août 2014, mais n’en poursuit pas moins ses belles lunes, le produire-français.

Joint par Le Média, Arnaud Montebourg confirme avoir été séduit : « Je trouvais que c’était une bonne idée, de créer une compagnie minière française. Je n’ai pas investi financièrement dans le projet mais je leur ai ouvert mon carnet d’adresses, sans jamais accepter de rémunération ». Il pose toutefois plusieurs conditions : il faut que la future entreprise exploite la bauxite dans le respect des normes éthiques et environnementales, en clair sans bousiller la santé des populations locales ; et surtout qu’elle soit enregistrée à Paris, pour limiter le risque d’évasion fiscale. Ce qui est fait. Girbal s’associe avec un autre même pas trentenaire, issu comme lui des meilleures écoles et ayant vécu en Guinée, Thibault Launay. En 2015, l’Alliance minière responsable (AMR) voit le jour.

Grâce à l’entregent de Montebourg, du beau linge entre à son capital : Xavier Niel, le patron de l’opérateur téléphonique Free, l’entrepreneur Alain Mallart, reconverti dans le green business, ou encore l’armateur Edouard Louis-Dreyfus, qui espère convoyer la bauxite guinéenne jusqu’aux usines hexagonales. L’ancienne patronne d’Areva, Anne Lauvergeon, est également de la partie. Elle devient administratrice de l’AMR, via sa société de conseil Anne Lauvergeon Partners (ALP). Tout comme Jean-Pierre Valentini, un temps incarcéré en Côte d’Ivoire dans l’affaire du cargo de déchets toxiques « Probo Koala ». Tous investissent au capital de la société.

Un peu moins de 3,5 millions d’euros sont ainsi levés. La presse spécialisée s’esbaudit devant le jouvenceau, qui, avec un compte Linkedin et un sourire ravageur pour seules armes, a réussi à s’entourer des noms les plus ronflants de l’entrepreneuriat gaulois. « La start-up minière qui fait chavirer le tout-Paris », titre les Echos. L’histoire est belle, et il faut dire que Girbal sait particulièrement bien la raconter. En relisant ses interviews, je me dis qu’il aurait fait un romancier plus que potable. C’est d’ailleurs ce que veut l’époque, du beau, du clinquant, de l’argent, des anglicismes partout, des histoires de serial entrepreneur et de business angels, des idylles dans l’open-space, entre le lancement d’un crowdfunding et un brunch avec le CEO. Bref, des contes de fées à la sauce « start-up nation ».

À partir de 2016, une nouvelle bataille est engagée. Officiellement, il s’agit de transformer l’essai, d’obtenir des autorités guinéennes non plus un simple permis d’exploration, mais un permis d’exploitation de la bauxite. Anne Lauvergeon dépose même ses valises à Conakry, pour le compte d’AMR. Elle y serre la paluche d’Alpha Condé. La rencontre est filmée par les caméras complaisantes de la RTG, la télévision d’Etat.

Mais officieusement, à Conakry, cela fait déjà plusieurs mois que le permis d’exploitation n’attend plus que d’être signé par Alpha Condé et délivré à l’AMR. Mohamed Diané, le parrain de Romain Girbal, devenu entre-temps ministre de la Défense, y a personnellement veillé. C’est d’ailleurs sa nièce M’balou Fatima Kaloko qui est embauchée par l’AMR pour négocier avec le gouvernement guinéen. En famille. Sous couvert d’anonymat, un haut cadre du ministère des mines affirme ne l’avoir jamais rencontrée : « Je n’ai eu cette dame qu’une ou deux fois au téléphone, pour des formalités administratives. Le dossier de l’Alliance minière responsable était entre les mains de Mohamed Diané, qui rendait directement compte au président Alpha Condé ».

Extrait du CV de M’balou Fatima Kaloko, nièce de Mohamed Diané.

Un coup financier ?

Le véritable enjeu est ailleurs. Car il est temps de refermer la fable pour start-upper en herbe, et de vendre la mèche. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Romain Girbal, tout comme les administrateurs d’AMR, n’ont jamais voulu exploiter le gisement de Boké. D’ailleurs, ils ne s’en sont jamais donné les moyens. Les 3,5 millions d’euros levés permettent tout juste de payer les études de faisabilité, guère plus. Il faudrait beaucoup plus pour sortir de la bauxite du ventre de la terre et la convoyer jusqu’au port fluvial de Dapilon. Montebourg en témoigne : « L’AMR n’avait pas les moyens de lever l’argent seule. Et il fallait quarante millions d’euros pour commencer l’exploitation de la mine ».

Sauf que depuis plusieurs mois, le jeune homme et Anne Lauvergeon négocient avec une autre compagnie minière, la Société minière de Boké (SMB). Créée en 2014, la SMB a connu une ascension fulgurante, acquérant mines de bauxite et de fer à tour de bras. Au nez et à la barbe des ogres du secteur. Il faut dire que cette compagnie à capitaux majoritairement chinois et singapouriens est dirigée par un très proche d’Alpha Condé, un Franco-libanais du nom de Fadi Wazni. Le fils unique d’Alpha Condé détient également des parts dans la SMB via des sociétés-écrans. Tout comme le ministre de la Défense… Mohamed Diané.

Le 7 juin 2017, un décret paraphé par Alpha Condé autorise l’AMR à exploiter le fameux gisement de Boké, sur une superficie de 148 km2. Champagne. Girbal a réussi là où des compagnies aux chiffres d’affaires se comptant en milliards se sont cassé les dents. Mais une semaine plus tard, le 14 juin pour être précis, coup de théâtre. Sous les auspices du nouvel ambassadeur de France Jean-Marc Grosgurin, un « accord de partenariat » est signé entre l’AMR et la Société minière de Boké. Jean-Marc Grosgurin déroule un discours digne du quatrième plan quinquennal : « La France se retrouve de nouveau au cœur de la filière mondiale de l’aluminium ».

Sauf que la réalité est toute autre. Le gisement de Boké est tout bonnement et simplement cédé par l’AMR à la SMB. Officiellement, on parlera d’amodiation, à savoir l’exploitation d’une mine moyennant une redevance périodique. Le terme est barbare, mais permet de sauver la face. Car désormais, la bauxite de Girbal sera exploitée par une société à capitaux essentiellement chinois, et sera exportée dans l’Empire du milieu, qui concentre plus de la moitié des besoins en aluminium de la planète.

L’AMR ne replantera pas le drapeau français sur les mines de Guinée. En 2017, le gisement « amodié » à la SMB est mis en exploitation. En 2019, la production de la SMB approchera les 34 millions de tonnes, ce qui en fait le premier exportateur de bauxite de Guinée. Et tant pis si en 2018, la SMB a été accusée par Human Rights Watch de polluer l’environnement et d’appauvrir les populations locales, qui se sont révoltées à plusieurs reprises. « L’exploitation minière menace le mode de vie de milliers d’habitants. Elle a détruit des terres ancestrales, endommagé des sources d’eau et recouvert de poussière des maisons et des arbres », souligne l’ONG. Dans cette affaire, les Guinéens sont bien les seuls à ne pas profiter du boom de la bauxite. Et à payer les pots cassés.

Répartition de la production de bauxite en Guinée en 2019. Avec près de 34 millions de tonnes, l’AMR est le premier producteur et exportateur du pays.

Sommes faramineuses

L’accord entre l’AMR et la SMB est confidentiel. Ce qui est d’ailleurs contraire au code minier guinéen, qui dispose que soit publié au journal officiel ce type d’accords. Mais à Conakry, dans une ambiance crépusculaire où Alpha Condé s’accroche au pouvoir comme une moule à son rocher, les langues se délient. Elles parlent de dizaines de millions et de dizaines de millions d’euros (une source particulièrement bien informée a même évoqué le chiffre faramineux de 171 millions d’euros) qui auraient été versés par la SMB à l’AMR, en échange des droits d’exploitation sur la mine.

Un montant sans aucun rapport avec la valeur réelle d’un gisement à teneur moyenne (45 %), et dont les spécialistes remettent sérieusement en doute les 450 millions de tonnes de bauxite qui s’y trouveraient, parlant plutôt de réserves cinq à dix fois moins importantes. La SMB et l’AMR se seraient-ils donc entendus sur un prix volontairement gonflé, qui aurait permis de dissimuler des mécanismes de corruption, de rétrocommissions ou de blanchiment d’argent ?

Sinon, comment expliquer que la SMB a accepté de racheter des dizaines et des dizaines de fois plus cher un permis d’exploitation de bauxite qui venait d’être délivré par l’Etat guinéen une semaine plus tôt, pour la modique somme d’1 million d’euros ?

Dans un article de Mediapart paru en 2016, la journaliste d’investigation Martine Orange prédisait : « Les mois permettront de savoir si AMR s’inscrit vraiment dans un projet industriel. Ou si cette junior n’est qu’un nouveau coup financier, selon les bonnes vieilles pratiques du secteur minier en Afrique ». Le coup financier a bien eu lieu. Et il s’est doublé d’un coup de Trafalgar. Car l’engouement autour d’AMR n’était que du flan. La petite PME tricolore qui joue dans la cour des grands. Les sommités qui apprêtent leurs plus beaux éléments de langage et leur carnet de chèques. L’intérêt supposé pour l’environnement et les « indigènes », porté par des discours tire-larmes et des photos à la Tintin au Congo, Girbal en casque de chantier, entouré d’enfants à la misère aussi éclatante que leur sourire, ballon de foot sous le bras.

Source : AMR.

Tout ce tintamarre n’a eu pour objectif que de dissimuler le véritable but d’AMR : une bonne vieille filouterie des familles, où, avec la bénédiction d’une dictature locale, l’on a cédé une prometteuse start-up française à un ogre chinois, où tout ce beau petit monde s’est rempli les poches sur le dos des seuls propriétaires du sous-sol de Guinée, à savoir les Guinéens eux-mêmes.

Où l’on spolie les richesses de l’Afrique pour des cacahuètes, dans des transactions frauduleuses, le tout en prenant bien soin de ne surtout pas payer une franc d’impôt local (ce qu’a fait l’AMR, en dissimulant la cession de son gisement au fisc guinéen). Et où, par-dessus le marché, l’on se gargarise de son entourloupe, parce que l’on se croit intouchable, parce que l’on pense que les justices africaines sont faibles et corrompues. Pour ces mercenaires en col blanc, l’Afrique n’est même pas un continent, ce n’est qu’un tiroir-caisse. Il suffit de sortir l’aspirateur à billets, et de tout envoyer dans des paradis fiscaux.

La piste des paradis fiscaux ?

Et c’est peut-être vers cette direction qu’il faut regarder, pour comprendre où se sont envolés les millions d’AMR. Car les comptes de la société française restent désespérément muets. Sur l’année 2017, AMR n’a fait qu’un chiffre d’affaires liliputien de 2600 euros. Sur 2018, c’est carrément zéro. Un deuxième fait troublant : Romain Girbal monte des sociétés dans les paradis fiscaux avec une facilité et une frénésie déconcertantes. Il y a bien sûr Guinea Investment Holding Corp, au Bélize.

Mais ce n’est pas tout. Nos confrères de Mediapart ont découvert qu’AMR, notre société bien française et si responsable est détenue par une holding basée au Luxembourg, Adventure Capital Corporation, qui compte au rang de ses administrateurs non seulement Girbal et son associé Launay, mais aussi Guy Casteels, qui a travaillé pour le négociant minier Glencore (une société à la réputation sulfureuse, soupçonnée de pratiquer l’évasion fiscale et même le travail des enfants dans ses mines en RDC).

Cerise sur le gâteau : une autre Alliance minière responsable a été mise sur pied en 2016… à l’Île Maurice, un paradis fiscal des plus opaques, très prisé des dirigeants africains ; en témoignent les récents « Mauritius leaks ». Nous ne sommes actuellement pas en mesure de la relier à Girbal et ses associés. Serait-ce à cette société mauricienne, ou à une autre société offshore, qu’aurait été versé le pactole de la vente du gisement ? Arnaud Montebourg le croit : « Je ne suis pas du tout content. Je pense que Girbal a tout mis dans les paradis fiscaux et ça me pose énormément de problèmes. Je lui ai dit et on s’est éloignés à cause de ça. Je ne peux que me désolidariser de ces pratiques ».

Informations sur l’Alliance Minière Responsable. Registre de l’Île Maurice.

Reste une question d’importance : à qui cet argent aurait-t-il ensuite profité ? Aux « business angels » et autres investisseurs de l’AMR ? Aux cadres de la SMB, qui ont accepté de payer si cher ce tas de bauxite et qui auraient reçu des transactions occultes en compensation ? Ce magot a-t-il été utilisé comme une « caisse noire » par le clan d’Alpha Condé, finançant élections truquées et répression sanglante ? De cette affaire, Arnaud Montebourg ressort amer : « Cette entreprise devait faire remonter les royalties touchées [de l’exploitation de la mine, NDLR] en France. Elle ne devait pas être là pour engraisser des ministres guinéens, qui par ailleurs sont infréquentables ».

Des pactes de corruption de cette envergure pourraient-ils expliquer la relative bienveillance dont continue à bénéficier Alpha Condé en France, malgré ses casseroles ? Du moins dans les réseaux socialistes, puisque les réseaux sarkozystes (dont Emmanuel Macron se sert beaucoup en Françafrique) intriguent pour faire chuter le vieux président, en pleine dérive autoritaire.

À 82 printemps, Alpha se prend pour l’omega. Il a décidé de commencer une carrière de tyran. Il a changé de Constitution pour s’offrir un troisième mandat et mourir au pouvoir, contre l’avis de son peuple. Depuis octobre 2019, plus d’une centaine de civils ont été assassinés par les forces de l’ordre dans des manifestations, pourtant pacifiques. Parmi eux, ce collégien de quinze ans, Idrissa Barry, mortellement blessé d’une balle le jour de la Saint-Valentin, et que la Croix-Rouge refusera de secourir.

L’un des artisans de cette répression n’est autre que Mohamed Diané, toujours ministre, et plus que jamais commandeur de la légion d’honneur française. D’après plusieurs sources bien informées, la Cour pénale internationale pourrait être saisie, et le clan Condé visé par une enquête pour crimes contre l’humanité.

Contactés par Le Média, Mohamed Diané, Romain Girbal, Anne Lauvergeon, Bertrand Cochery et l’ambassade de France en Guinée n’ont pas donné suite.

Par lemediatv

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