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François de Rugy se dit victime de  « lynchage médiatique »

Fragilisé par des révélations de « Mediapart » sur des dépenses au ministère de la transition écologique et à la présidence de l’Assemblée nationale, M. de Rugy annonce avoir déposé une plainte pour diffamation.

Au centre d’une polémique sur des dépenses excessives et la location d’un appartement à vocation sociale, François de Rugy a annoncé avoir présenté sa démission mardi 16 juillet de son poste de ministre de la transition écologique. Une « décision personnelle » que le président Emmanuel Macron « respecte, pour qu’il puisse se défendre pleinement et librement », a indiqué l’Elysée à l’Agence France-Presse (AFP).

S’estimant victime d’un « lynchage médiatique », le ministre a également déclaré avoir déposé une plainte en diffamation contre le site d’informations Mediapart. Dans un communiqué, il explique les raisons qui le conduisent à démissionner :

« Les attaques et le lynchage médiatique dont ma famille fait l’objet me conduisent aujourd’hui à prendre le recul nécessaire – ce que chacun comprendra. La mobilisation nécessaire pour me défendre fait que je ne suis pas en mesure d’assumer sereinement et efficacement la mission que m’ont confiée le président de la République et le premier ministre. »

Le numéro deux du gouvernement, qui devait présenter mardi au Sénat le projet de loi énergie et climat, s’est entretenu dans la matinée avec Edouard Philippe. Son passage devant les députés lors des questions au gouvernement à 15 heures s’annonçait difficile.

Cette démission intervient alors que Mediapart s’apprêtait à publier une nouvelle enquête sur l’utilisation, par François de Rugy, de ses frais professionnels en tant que député. Selon le site d’information, l’ex-numéro 2 du gouvernement a utilisé son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de ses cotisations à Europe Ecologie-Les Verts (EELV) en 2013 et 2014. Or l’IRFM n’a pas vocation à être utilisée pour financer un parti politique. De plus, « cette indemnité étant défiscalisée, François de Rugy a déduit ces versements du calcul de son impôt sur le revenu 2015, ce qui interroge sur le plan fiscal, l’IRFM étant défiscalisée », souligne Mediapart.

Les révélations par le journal en ligne de dîners fastueux organisés quand il présidait l’Assemblée nationale, de travaux dans son logement de fonction au ministère ou de son appartement près de Nantes avaient sérieusement fragilisé le ministre, qui s’était défendu tout le week-end sur ces informations en cascade. M. de Rugy estime que « depuis le début de la semaine dernière, Mediapart (l’) attaque sur la base de photos volées, de ragots, d’approximations, d’éléments extérieurs à ma fonction ».

« La volonté de nuire, de salir, de démolir, ne fait pas de doute. Je suis soumis à un feu roulant de questions nouvelles et contraint de parer sans cesse à de nouvelles attaques. »

Homards et grands crus

Mercredi 10 juillet, Mediapart avait recensé une dizaine de repas, avec homards et grands crus, qui ont eu lieu entre octobre 2017 et juin 2018 et où étaient reçus à chaque fois entre dix et trente invités appartenant au cercle amical et relationnel de Séverine de Rugy, l’épouse de l’ex-écologiste. Parmi les convives identifiés par le site figuraient aussi des membres de la famille de l’ancien président de l’Assemblée et des amis de son épouse. Les photos montrant Mme de Rugy poser devant une bouteille de Mouton Rothschild 2004 ou M. de Rugy devant une table de Saint-Valentin ornée de pétales de rose ont été abondamment relayées sur les réseaux sociaux et ont fait aussitôt scandale.

Le ministre de la transition écologique avait d’abord dénoncé « des propos mensongers » et un « parti pris militant qui est l’habitude de ce site Internet ». S’il avait dit « comprendre » que de telles révélations « suscitent des réactions, et même des incompréhensions, des interrogations » chez les Français, il avait assuré qu’il « n’y a pas eu de dîners entre amis (…) qui auraient été financés par l’Assemblée nationale », préférant parler de « dîners de travail informels » avec « un paléontologue », « un directeur d’études à Sciences Po » ou encore « des chefs d’entreprise ».

Ces révélations sont mal passées, neuf mois après le début du mouvement des « gilets jaunes », et alors que le gouvernement veut resserrer le budget. La polémique a fait des vagues au sein même du parti présidentiel. Sous couvert d’anonymat, un cadre de La République en marche (LRM) déplorait « l’effet dévastateur » dans l’opinion publique. « C’est scandaleux, cette histoire. C’est précisément ce que nous ont reproché les “gilets jaunes” ! Cela risque d’accréditer l’idée que les ministres sont pleins aux as et se gavent en profitant de l’argent public. Symboliquement, c’est très lourd », jugeait ce responsable national de la formation macroniste, en ne cachant pas sa colère contre « une vraie connerie ». De son côté, la députée et ancienne ministre de l’écologie Delphine Batho estimait que « sa démission s’impose ».

Logement social

La polémique a enflé encore davantage le lendemain après de nouvelles révélations. Selon Mediapart jeudi 11 juillet, le ministre a fait réaliser plus de 63 000 euros de travaux, payés par le contribuable, dans les appartements privés du ministère de l’écologie. Parmi ces travaux figurait l’installation d’un dressing à près de 17 000 euros.

Le ministre s’était défendu sur Facebook : « Les services en charge de la gestion des bâtiments du ministère ont fait le constat partagé de la nécessité d’effectuer des travaux de rénovation dans l’appartement de fonction du ministère, qualifié, je cite, de “vétuste” ». Le montant des travaux serait lié selon lui « au caractère très particulier des lieux », puisque « l’hôtel de Roquelaure, comme d’autres ministères, est un élément du patrimoine français, construit au début du XVIIIe siècle ».

Ce même 11 juillet, Mediapart poursuivait ses révélations en accusant François de Rugy de bénéficier lui-même un logement social, tout comme sa directrice de cabinet (limogée le 10 juillet). Selon le journal en ligne, le ministre d’Etat loue depuis juillet 2016 un appartement dans la commune d’Orvault, en Loire-Atlantique, pour 531 euros par mois, alors que ses revenus seraient bien au-dessus du plafond défini pour ce type de logement. De plus, il ne s’agit pas de sa résidence principale ce qui contrevient aux règles des logements à vocation sociale.

Depuis ces révélations, le ministre avait assuré ne pas vouloir démissionner tout en s’engageant à soumettre ses frais de réception aux autorités de contrôle de l’Assemblée nationale et à rembourser si nécessaire « chaque euro contesté ». Concernant les travaux au ministère, le premier ministre avait demandé au secrétariat général du gouvernement de diligenter « une inspection » afin de vérifier que les travaux entrepris se conformaient au « respect des règles » et « au principe d’exemplarité » voulu par le gouvernement. Lundi, M. de Rugy avait nommé son nouveau directeur de cabinet, Jack Azoulay, malgré la polémique.

François de Rugy avait été nommé en septembre au gouvernement après la démission surprise de Nicolas Hulot, imposant un style autrement plus politique, pragmatique et policé, avec l’ambition de durer au « ministère de l’impossible ». « Je suis ici pour agir pour l’écologie avec méthode, détermination et persévérance dans le temps », avait-il lancé lors de sa prise de fonction au ministère.

Le Monde

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