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Fallait (re)muer cette fois la langue ! (Par Souleymane Thiâ’nguel BAH)

Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre lorsque les gens s’imaginent qu’on est dans une position de faiblesse. Quelle colère s’oblige-t-on de ravaler lorsque la justice dans un pays a foutu le camp, que tout le monde s’érige en chantres de la paix, pendant qu’une partie du peuple se fait tuer, se fait emprisonner, se fait tabasser, ses biens détruits ? 

Quelles couleuvres se contraint-on d’avaler lorsque la recherche du dialogue, l’attachement à la quiétude sociale, la sauvegarde de ses concitoyens restent des valeurs qu’on veut à tout prix préserver ?

Qu’est-ce que c’est difficile tout court d’être un peuple digne et croyant. La croyance que le destin est une chose inévitable, que l’on doit se résigner à l’accepter. Sinon, il y a des personnes qui ne s’autoriseraient pas tenir certains discours et que l’impunité leur soit garantie.

Parce que des âmes ne seraient pas fauchées pour la plupart à la fleur de l’âge dans l’indifférence de ceux qui se sont érigées en prophètes de la paix. Parce que des citoyens n’auraient pas été agressés, emprisonnés, pillés dans le silence coupable de ceux-là qui croient qu’ils aiment la Guinée mieux que ceux qui subissent la violence et l’iniquité.

Qu’on se le dise clairement, qu’on rappelle à ceux qui menacent : l’UFDG n’appelle pas à la violence, plutôt à la “RÉSISTANCE“, à la mobilisation, au refus de la répression et de l’oppression.

Les douleurs ont assez duré. Les injustices se sont assez prolongées. Les deuils et les pillages se sont assez répétés. Carnages du 28 septembre 2009 (qui viennent d’être requalifiés en passant de crimes contre l’humanité à crimes de masse), assassinats de quatre-vingt jeunes manifestants, tueries de Womey, Galapaye, assassinat de Mohamed Koula Diallo, Cherif Diallo, Madame Boiro, Thierno Aliou Diaouné, la terrible liste est longue. Qu’ont fait ceux qui font des appels usités à la paix, et désormais des menaces, le moyen finalement de célébration de leur égo ?

La Guinée, ce n’est pas une géographie, une simple terre latéritique avec des frontières. La Guinée, ce sont les Guinéens. Parmi ces guinéens, il y en a écorchés dans leur âme, meurtris dans leur chair. C’est à ceux-là qu’on demande de prôner la paix ? Ils sont déjà dans la paix, puisque c’est dans leur concession qu’on vient les tuer.  Quelle bizarre manière d’appeler à la paix. Quelle surprenante façon de rendre justice. Quelle sournoise manière de donner quitus à nos bourreaux de continuer à nous terroriser. Quelle confortable place dans ce jeu de dupes qui n’a pour résultat que de perpétuer la violence et l’arbitraire contre les mêmes victimes.

Quand je parle de victime, d’injustice, d’arbitraire, mais aussi de ma folle envie de vivre dans un pays de vérité, je sais de quoi je parle. Je ne suis pas de ceux qui tournoient dans des fauteuils moelleux des bureaux climatisés, des villas cossues avec des gardes armés jusqu’aux dents. Je suis de ceux qui ont sniffé du gaz lacrymogène aux côtés de jeunes déterminés à ancrer la démocratie dans notre pays. Je suis de ceux qui sont sortis du domicile sans être sûr qu’on reviendrait à chaque appel du devoir pour réclamer la liberté.

Je suis de ceux qui ont risqué leur vie au stade du 28 septembre pour des élections libres et transparentes qui permettent aujourd’hui à Alpha Condé de traiter son peuple comme des animaux. Je suis de ceux qui ont vu la mort rôder, frapper aveuglement, des blessés et des corps dans nos hôpitaux.

Je suis de ceux qui ont inhumé nos martyrs, le cœur serré, dans l’indifférence du gouvernement. Je suis de ceux qui ont subi une farfelue accusation, qui paie le prix de son engagement aux côtés d’un homme auquel je crois. Mais je suis aussi de ceux que Dieu a sauvé, a épargné, a mis à l’abri afin que la lutte de ceux qui sont tombés soit poursuivie, que la flamme de la liberté, de la dignité du peuple de Guinée ne soit pas éteinte.

J’ai entendu dire que Cellou n’a jamais appelé au calme. Alors, soit mes amis sont frappés précocement d’Alzheimer, soit il y a une bonne dose de mauvaise foi dans leur sang. Dans un cas comme dans l’autre, en disant que c’est l’appel qui est plus important que de se poser la question de savoir qui est auteur des violences, cela montre le degré de mépris vis-à-vis des morts. Finalement, ce qui importe, ce sont des discours ronflants d’appels à la paix, pas de chercher les coupables, les juger, les châtier à la hauteur de leur forfaiture.

En tout état de cause, je réitère que personne à l’UFDG n’appelle à une quelconque haine, à la guerre, à l’affrontement. Nous n’en avons aucun intérêt, d’autant plus qu’une partie corrompue des forces de l’ordre et de la justice peut continuer à tyranniser sans avoir de compte à rendre.

Cependant, notre appel à la résistance demeure. La volonté, le choix du peuple doit être respecté. La violence, ce n’est pas nous qui l’exerçons. Jusqu’à preuve du contraire ce sont nos militants ou nos supposés qui subissent les violences. Ce sont des responsables du parti présidentiel qui fanfaronnent publiquement avoir recruté des milices. C’est le domicile de notre leader qui est attaqué à la barbe et au nez de gendarmes et policiers. Alors, s’il vous plaît, lorsque vous exigez un appel au calme, que vous menacez de trimballer les gens à la CPI, tournez votre regard du bon côté. Voilà pourquoi je dis humblement qu’il aurait fallu (re)muer cette fois la langue avant de parler !

 

Souleymane Thiâ’nguel BAH

Secrétaire National chargé de l’Information et de la Communication

Coordonnateur de la Cellule de Communication de l’UFDG

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