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En acceptant d’aller à un référendum, les guinéens ouvriront incontestablement la voie à une nouvelle présidence à vie

Y-a-t-il un seul pays africain, à l’exception notable du Bénin, où le Président de la République a entrepris une révision ou un changement de constitution, si ce n’est dans son intérêt personnel ou celui de son entourage ?

L’expérience montre que partout en Afrique, les révisions ou changements de constitution ont des objectifs très loin éloignés des aspirations légitimes du pays. En d’autres termes, réviser ou changer une constitution en Afrique n’est qu’un stratagème pour les Chefs d’État pour s’accrocher au pouvoir ou pour renforcer leurs pouvoirs.

Dans ces conditions, il n’y a aucune chance que la volonté réelle du peuple soit prise en compte. Ceux qui réclament à cor et à cri la tenue d’un référendum semblent oublier qu’il existe bel et bien un recours dictatorial au référendum qui a été pratiqué aussi bien par Hitler que par Franco.

En acceptant d’aller à un référendum, les guinéens ouvriront incontestablement la voie à une nouvelle présidence à vie. C’est le référendum de 2001 qui a provoqué le maintien au pouvoir du général Conté au-delà des mandats que lui avait accordés le peuple de Guinée et en dépit des problèmes visibles de santé qu’il avait.

A un moment donné, il ne contrôlait plus rien. Le pays était aux mains d’un clan affairiste qui dirigerait tout et décidait tout. Les guinéens se rappellent encore les conséquences de cette situation. Si la Guinée a été à un moment considérée comme une plaque tournante du trafic international de drogue, c’est parce que le pays était livré à toutes sortes ‘d’hommes d’affaires’, de businessman sans scrupules.

C’est pourquoi, le capitaine Moussa Dadis Camara, à la prise du pouvoir par le CNDD, s’est engagé dans une guerre sans merci contre les narcotrafiquants, les fossoyeurs de l’économie nationale. Il savait bien à quoi il avait à faire. Il était parfois le témoin involontaire de beaucoup de pratiques illicites, d’où ses colères mémorables contre certains.

Des guinéens ont profité de la maladie du général Lansana Conté qui n’a pas su se retirer à temps ou qui a été maintenu au pouvoir contre son gré par des milieux mafieux, pour piller le pays. Ils faisaient croire au Président de la République que sans lui le pays allait sombrer, qu’il n’y avait pas d’alternative crédible au sein de l’Opposition politique, qu’il était irremplaçable. En réalité, ils jouaient leur propre jeu. Les mêmes faits produisent nécessairement les effets.

D’autres guinéens qui ont aujourd’hui des intérêts dans plusieurs entreprises minières notamment veulent reproduire le même scénario en poussant le Président Alpha Condé à rester au pouvoir après ces deux mandats. On lui fait croire qu’il doit finir ses chantiers car il n’y a personne d’autre capable d’obtenir les résultats qu’il a pu engrangés pendant les dix années de sa gouvernance.

Aucun guinéen ne peut objectivement contester que dans bien des domaines, les succès qu’il a obtenus sont tangibles. Mais quelle que soit sa volonté, il ne pourra pas à lui seul développer le pays. Le développement d’un pays est un processus sans cesse continu. C’est donc tromper les guinéens et le Président de la République que de lui faire croire que c’est par lui que le développement de Guinée s’achèvera. Certaines situations d’ordres naturels tels que l’âge, la maladie ou la mort finiront par avoir raison des volontés et des engagements les plus ardents, des ambitions les plus fermes. C’est pourquoi, il est infiniment mieux pour un dirigeant d’apporter sa petite pierre à la construction de l’édifice national et de passer le témoin à un autre pour continuer l’œuvre entreprise.

 

Par Mohamed TRAORE

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