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Dix (10) ans de ‘’démocratie’’, 10 ans de rêves brisés…Où va ma Guinée ?

Tribune. Lorsque j’observais les Forces vives guinéennes, au milieu des années 2000, j’étais enthousiasmé à l’idée que le processus enclenché par elles allait ouvrir une voie royale à la démocratie et à la bonne gouvernance.

Je rêvais d’une Guinée débarrassée de la médiocrité et de la supercherie. J’imaginais la ruée des firmes étrangères, au regard de l’énorme richesse que regorge le pays. Alors je me demandais, à la place des opérateurs économiques guinéens, comment faire face à la rude compétition qui se profilait.

J’étais convaincu que le temps était venu pour une gouvernance ambitieuse et visionnaire, avec de nouveaux vocabulaires techniques dans les discours politiques comme ‘’plans de développement’’ ou ‘’croissance économique’’, à l’instar du Ghana de Jerry Rawlings. Ce qui ouvrirait un avenir sûr pour ma génération et pour les générations à venir.

Les Forces vives guinéennes, construites autour des incorruptibles Fofana et Diallo, faisaient rêver toute l’Afrique de par leur audace, aussi elles faisaient la fierté d’un peuple assoiffé d’une gouvernance responsable.

Malgré cela, l’aboutissement de ce combat social a laissé, au travers de ma gorge, un goût amer, le sentiment d’un travail inachevé, tout en gardant l’espoir que les mentalités des guinéens auront évolué dans le sens du bien-être collectif, de la liberté d’expression et de l’État de droit.

Quelques temps plus tard, ce combat social a néanmoins permis les élections présidentielles de 2010, qui devraient consacrer définitivement la démocratie comme mode de transfert du pouvoir en Guinée. Cet idéal de système politique, dont la funeste conquête aura coûté tant de victimes et de martyrs, est devenu une réalité, un acquis certain comme la cerise sur le gâteau.

Jusque-là, j’ignorais que l’effectivité de la victoire du peuple sur la dictature nécessitera plus d’engagement que le combat pour sa conquête. En réalité, la démocratie n’est pas un acquis tangible et définitif, elle est la résultante d’une lutte permanente et construite qui aura réussi à imposer à tous, la souveraineté du peuple.

Malheureusement, les événements qui suivront, déchanteront plus d’un. En effet, dès après les élections présidentielles de 2010, censées couronner plusieurs décennies de lutte pour la Démocratie et marquer la fin de la dictature, voilà que plusieurs défis majeurs se dressent spontanément sur le chemin de la jeune Démocratie guinéenne, en quête de confirmation et de consolidation. Des défis qu’il faut forcément relever si nous voulons léguer aux futures générations un pays sûr, fiable et stable. Ces défis peuvent se résumer en la paix, l’unité nationale et la cohésion sociale ; des éléments simples mais indispensables pour une Nation en Harmonie avec elle-même.

Permettez-moi d’évoquer, chers lecteurs, l’expression de ‘’Nation en Harmonie’’ puisque c’est cela qui me parait menacé aujourd’hui en Guinée. L’élite guinéenne, à laquelle le devoir de l’Harmonie de la Nation incombe, a choisi (dans sa majorité) une posture furtive afin d’éviter le sujet dans les débats politiques actuels. Peut-être pour ne pas contribuer à l’aggravation de la division qui prévaut dans le pays, ou bien par simple calcul opportuniste. Pourtant, la réalité crève les yeux, notre pays va mal dans ses assises sociétales et communautaires.

Cet engrenage vicieux résulte, évidemment, de l’ethno-stratégie outrageusement utilisée par une classe politique, braquée et sclérosée, dans sa quête aveugle du pouvoir depuis 2 décennies. Dès lors, le militantisme gagne la population toute entière, en favorisant la division et la communautarisation du pays, en attisant la haine et le clivage entre guinéens. Les violences verbales et physiques sont tolérées, encouragées, voire même pratiquées par ceux-là qui devraient nous en protéger. L’assassinat des citoyens est banalisé, alors que dans tout pays civilisé, la vie du citoyen reste le plus sacré. Les libertés individuelles et collectives sont bafouées. Le clivage communautaire s’accélère à telle enseigne qu’on a le droit de se demander si la volonté des guinéens de vivre ensemble existe encore.

De surcroit, les leaders d’opinion (religieux et traditionnels) sont sciemment affaiblis, ou ils s’affaiblissent eux-mêmes de par leurs prises de position scandaleuses. Les lois de la république sont foulées au sol. Les biens publics sont assimilés, sans aucun discernement, aux propriétés privées des privilégiés au pouvoir. Les rares voix qui s’évertuent à dénoncer les dangers qu’encourt le pays, se noient dans la lassitude des oreilles attentives, dans lesquelles résonnent, encore et toujours, les mêmes scandales éclaboussant les mêmes personnes censées défendre les intérêts du pays. Le citoyen se sent trahi et abandonné par une autorité qui relègue au second plan les ‘’priorités’’ qui l’assaillent.

Dans ce contexte, il est aisé de s’apercevoir que le système en place fragilise toutes les institutions du pays et plonge inexorablement le pouvoir, qui l’incarne, dans une crise de légitimité sans précédent.

Tel est l’état de déchéance de mon pays après 10 ans de ‘’démocratie’’, et 10 ans de rêves brisés. C’est pourquoi, j’interpelle le Président de la République, à qui la responsabilité de l’unité nationale et de la cohésion sociale incombe en premier lieu, à se rendre compte que ses 10 ans de pouvoir ont été fortement marqués par la fragilisation des fondements de la Nation guinéenne. Il doit impérativement se transcender pour accepter, comme un père de famille, que le futur du pays dépend de sa compréhension de son rôle de père de la Nation, et ce jusqu’à la fin de son second et dernier mandat. Je l’invite à comprendre que ses enfants, rebelles et soumis, ont les mêmes droits à la vie, à la santé, à la sécurité, à l’éducation, au travail, à la succession, à l’héritage, etc.

Je crois fermement que les guinéens ne renonceront jamais à leur droit à la démocratie, qui leur garantit le pouvoir souverain de sanctionner tout mandat électif confié à un responsable politique.

Ainsi, la grande échéance s’approche ! Pendant que la page noble de l’histoire glorieuse de notre pays reste ouverte, il est encore temps, pour tout guinéen soucieux de l’avenir de son pays, d’essayer de s’y inscrire.

Par Mamadou SANO 

 

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