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Aperçu des causes et remèdes de l’insécurité alimentaire en Guinée

Le secteur agricole guinéen est souvent présenté comme un secteur porteur de croissance, vecteur du développement et de maintien du bien-être des populations. La Guinée dispose de près de 6,2 millions d’hectares de terres cultivables dont 25% seulement sont cultivés annuellement. Le potentiel de terres irrigables est également estimé à 364.000 ha dont 30.200 actuellement aménagées (FAO, 2014).

Malgré ces potentialités couronnées par des conditions climatiques favorables (abondances des pluies), la Guinée reste encore prédominée en grande partie par l’insécurité alimentaire. A fin décembre 2018, les résultats de l’enquête de l’Analyse Globale de la Vulnérabilité, de la Sécurité Alimentaire et de la Nutrition(AGVSAN) révèlent que 21,8% des ménages guinéens sont en situation d’insécurité alimentaire, soit 2 459 419 personnes. Parmi ces ménages, 2,4% sont en insécurité alimentaire sévère soit l’équivalent de 272 585 personnes. Les zones les plus touchées par cette situation sont entre autres : N’Zérékoré avec 29,3% dont 6,1% des ménages en insécurité alimentaire sévère. Les régions de Mamou et Labé ont une insécurité alimentaire modérée touchant respectivement 26,8% des ménages et 23,4% des ménages.  La région de Conakry affiche à son tour un taux d’insécurité alimentaire 16,4%. Les régions de Kindia et Kankan, ont des taux d’insécurité alimentaire qui sont de l’ordre de 14,4% et 14,2%. Enfin, la zone de Boké est la plus épargnée avec seulement 11,6% des ménages en insécurité alimentaire.

En dépit de cette situation, il convient de noter que l’agriculture reste et demeure la principale activité de la population guinéenne car, pratiquée sur l’étendue du territoire national à hauteur de 80%. De même, 57% des populations rurales tirent leur revenu de l’agriculture. Selon le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP3 élaboré en 2011 dans le cadre de l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative Pays Pauvre Très Endettés), l’agriculture est un secteur privilégié pour l’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté.

Au cours de la décennie écoulée, la croissance moyenne annuelle enregistrée par le secteur agricole tourne autour de 4%. Cette croissance reste et demeure insuffisante pour un tel secteur. A notre entendement, cette insuffisance trouverait son explication dans la politique économique menée par l’Etat guinéen. En examinant la Loi de Finance 2019, l’on constate avec regret que la part du budget allouée au secteur agricole ne représente que 7,2% contre 3,8% dans le budget 2018 (suivant la déclaration de Maputo de 2003, l’Union Africaine a engagé tous ses Etats membres à accroître leurs investissements dans le secteur de l’agriculture, à hauteur au moins de 10% de leur budget national) contre 15% dans la sous-région ouest africaine. Ce qui est à notre sens déplorable car, tous les économistes du monde entier sont unanimes que l’agriculture est la pierre angulaire du développement et l’industrie son moteur. La preuve est qu’elle contribue à minima à hauteur de 25% du PB (Cf. World Bank).

L’absence de politique agricole fiable et la faible part du secteur agricole dans le budget de l’Etat constitue non seulement un frein au développement de ce secteur mais aussi et surtout, explique à notre sens l’insécurité alimentaire dans laquelle se trouve les ménages guinéens. De plus, ces ménages comptent également sur des revenus irréguliers et faibles pour assurer leur consommation.

Nous ne saurons terminer cette petite analyse, sans pour autant apporter quelques pistes de solutions éphémères comme tout autre citoyen guinéen soucieux de l’avenir de son pays. A l’image de beaucoup de nos compatriotes nous pensons qu’il faut : i) mobiliser les ressources financières requises pour le développement du secteur agricole (une telle situation permettrait de libérer notre potentiel agricole et ainsi améliorer le bien-être des populations); ii) réduire la part du budget alloué aux intrants agricoles car, ils absorbent quasiment 2/3 des dépenses d’investissement ; iii) améliorer l’accès aux intrants agricoles dans les zones les plus vulnérables ; iv) favoriser l’accès des populations à des sources de crédits et modalités de remboursement moins contraignantes, surtout pour les petits agriculteurs, les jeunes et les femmes ;…

 

Mamadou Safayiou DIALLO

 

Analyste Economique

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